Ma traque était au point mort. Katherine était toujours introuvable, alors parfois, je mettais mon objectif entre parenthèses pour prendre des moments à moi. Et l'un de ces moments était d'actualité. J'avais décidé de m'arrêter à la Nouvelle-Orléans, pour combien de temps ça je l'ignorais, mais je pouvais au moins prendre un peu de temps pour profiter de la vie, plutôt que de toujours rechercher l'inaccessible. Katherine pouvait attendre, telle que je la connaissais, elle ne mourrait pas. Alors je me permettais de découvrir de nouveaux endroits.

Cette ville était assez sympathique, bien que des individus, comme partout, cherchaient à pourrir l'existence de tout le monde. Ah ! J'en aurais bien croqué deux ou trois, mais la discrétion était de mise. Je ne voulais pas, pour l'instant du moins, faire parler de moi. Le fait que je ne puisse sortir que la nuit me pénalisait déjà assez, je devais constamment trouver des excuses quand les gens s'interrogeaient, c'était barbant, donc c'était une autre recherche que je devais faire: trouver quelqu'un qui me procurerait l'un de ces bijoux.

Pour l'heure, je cherchais un peu de nourriture, et quel meilleur moyen que d'aller effrayer des jeunes qui pourraient passer dans un cimetière ? Je n'étais pas sûre de trouver qui que ce soit là bas, mais au moins il y avait peu de chances que je me fasse repérer. C'est alors en marchant que je me dirigeai vers la dernière demeure des défunts. Il ne me fallut pas longtemps pour entendre quelque agitation, et sentir cette odeur de sang. Quelqu'un saignait. Abondamment.  Je me concentrai donc davantage sur les quelques bruits. Je tombai finalement face à face avec deux jeunes, terrifiés. Visiblement je n'étais pas seule à avoir eu l'idée de venir ici. Je regardais alors derrière les deux, et je vis une femme, dans une tenue d'une autre époque, auprès d'un autre individu. La jeune femme était, semblait-il, un vampire. Et de ce que je pouvais déduire de la scène, elle était affamée. J'hypnotisai alors les deux jeunes gens, pour qu'ils restent scotchés là, sans faire de bruit, j'avais bien l'intention d'en faire mon dîner. Je m'approchais alors de la jeune femme, qui avait l'air complètement paumée.

- Bonsoir. Laisse moi deviner... Réveil difficile ?

C'était la seule explication. Pour qu'elle soit dans un tel état, elle avait dû dormir pendant un moment. Et par "un moment", ce n'était probablement pas quelques heures...

Une telle soif de sang ne pouvait vouloir dire que deux choses: Soit elle était jeune, ce qui, étant donné sa tenue, était probablement exclu, soit elle ne s'était pas nourrie depuis un bail. J'aurais pu la laisser boire tranquillement, et vider ce pauvre individu de la totalité de son sang, après tout il l'avait probablement mérité, à cette heure ci cela m'aurait étonnée qu'ils soient là tous les trois pour pleurer des morts. Mais la curiosité était trop grande, d'où venait-elle ainsi, dans cette tenue venue d'un autre temps tâchée de sang ? Avait-elle été enfermée après avoir commis un massacre ? Cela pouvait être une hypothèse raisonnable, mais dans ce cas pourquoi l'avoir poussée à se dessécher plutôt que de l'avoir tuée ? Peut-être était-ce l'oeuvre de quelqu'un qui était proche d'elle, et qui n'avait pu se résoudre à la tuer. M'enfin, c'était bien beau d'imaginer des scénarios, si cela se trouvait j'étais totalement à côté de la plaque !  Lorsqu'elle m'entendit, elle lâcha sa victime comme un malpropre. Au sol, je pouvais voir le téléphone de la victime qui était sur l'appareil photo, ou la caméra je ne voyais pas bien. Cela était donc probablement le déclencheur de l'attaque de mon interlocutrice, même si avec une telle faim, provocation ou pas elle aurait sans doute fini par craquer. Elle me demanda alors ce que je lui voulais. Je m'approchais alors lentement d'elle, je ne savais pas quel âge elle avait, et même un "jeune" vampire pouvait s'avérer dangereux.

- Moi, rien. En revanche, eux...

Je pointais les deux autres abrutis.

- ... Ils se seraient empressés d'aller raconter à tout le monde ce que tu as fait. Ce n'est pas très prudent de laisser filer des témoins.

Je ramassais alors le téléphone au sol. Si j'en jugeais par la tenue de la jeune femme, elle ne devait pas savoir de quoi il s'agissait. Cela dit, je ne le tendis pas vers elle, je me contentai de le glisser dans ma poche. Je m'en débarrasserais plus tard, garder l'appareil d'un mort ne ferait que guider la police vers moi. J'observai alors la réaction de la jeune femme...

- Ne t'en fais pas, cet appareil en lui-même est inoffensif. Par contre, ce qu'on peut faire avec l'est moins. Si ce type avait pu repartir avec une photo de toi, ça aurait pu t'attirer des problèmes. Je l'effacerai, s'il en a sauvegardé une, et je détruirai l'appareil.

Cela crevait les yeux qu'elle se situait hors de son temps. Outre sa tenue, elle semblait totalement perdue, aussi me permis-je une question qui semblait un peu logique, étant donnée la situation.

- De quelle année viens-tu ?

Je ne m'attendais clairement pas à tomber sur quelqu'un comme la jeune femme en face de moi. Vampire, clairement, mais surtout totalement perdue. Elle était méfiante, je le serais probablement aussi si j'avais passé un certain temps dans quelque endroit que ce soit, hors de tout signe de civilisation. Sans doute enfermée quelque part, par quelqu'un qui n'avait visiblement pas pu se résoudre à l'achever, et qui par conséquent avait prit le risque de la voir s'échapper. Et c'était visiblement ce qui s'était passé aujourd'hui. Desséché, un vampire ne pouvait pas se réveiller seul. Etait-ce les individus présents en ces lieux qui avaient eu la malchance - ou la stupidité - de lui offrir du sang ? Ou alors il y avait un autre système pour la libérer... J'ignorais à quel point j'étais loin de la terrible réalité. Ignorant visiblement tout de ce monde, elle avait failli laisser filer des témoins, sans même les hypnotiser. Imprudente. Je lui fis d'ailleurs remarquer, mais elle semblait persuadée que personne ne les croirait.

- Plus de monde que tu ne le penses.

Je ramassais le téléphone du défunt, et m'empressai de le ranger dans ma poche. Cependant, garder l'appareil pourrait conduire des gens jusqu'à moi. Je prévoyais donc de le détruire. Mon interlocutrice me demanda alors ce qu'était cette chose. Visiblement, la technologie avait vraiment progressé depuis sa dernière sortie.

- On appelle ça un téléphone. Il permet de capturer des images qu'on appelle des photographies, mais l'on abrège ça en "photo" la plupart du temps, mais aussi de converser avec des personnes sans forcément être en face d'elles. Je pense qu'il t'en faudra un, de nos jours tout le monde en a un. Ca coûte cher, j'imagine que tu n'as pas d'argent, mais avec l'hypnose tu pourras t'en procurer un facilement. Je ne te donne pas celui-ci car les forces de police pourraient le localiser, et les amener jusqu'à toi. C'est pour ça que le détruire est la meilleure option...

Elle avait également répondu à ma question. Elle venait donc de l'année 1842, je comprenais désormais le choc qu'elle pouvait avoir vis-à-vis des nouvelles technologies.

- Hum... Oui, et bien tu es vraiment hors de ton temps. Nous sommes en l'an 2016...

J'attendais désormais sa réaction, alors qu'elle se saisissait de la veste de sa victime pour la mettre sur ses épaules. Elle se mit alors à s'amuser avec la fermeture éclair. Elle était comme une enfant qui découvrait ce tout nouveau monde, c'en était attachant. Elle se réjouit d'avoir des poches. Je souris alors.

- Il faudra te trouver une tenue plus adéquate, la mode a changé en 174 ans. Tu pourras prendre des vestes avec des poches si tu veux. Elles te seront utiles.

Je regardais les deux autres individus qui étaient toujours là, paralysés par mon hypnose.

- Il va falloir s'occuper d'eux...

Je m'approchai des deux humains, tournant autour d'eux comme un requin autour de sa proie. Finalement, je me plaçai devant celui de droite, sortis mes crocs, et les plantai alors dans sa carotide. J'étais venue pour me nourrir, et finalement je le faisais...