Une journée de travail de dingue, éreintante. L'une de ses journées où tu n'as qu'une envie c'est rentrer chez toi, enlever ces chaussures à talons que tu insiste à porter malgré qu'ils te tuent les pieds, te jeter dans le canaper et fixer le plafond pendant des heures en te déconnectant du monde. Juste prendre cette pause, cet instant. Souffler, respirer un moment et puis fermer les yeux, te laisser embarquer dans de plus belles pensées. Pas forcément dormir non, parce que déjà quand tu est un vampire, tu n'en as pas vraiment besoin. Mais aussi parce qu'il reste tant à faire à la maison.. Nourrir le chat, préparer à manger pour le lendemain, faire le ménage.. ce genre de choses peut-être futiles qui te retiennent éveillée. Ces petites habitudes du quotidien alors même que ta seule envie, c'est d'être là, dans le canapé et dormir pour oublier la journée et enchainer directement sur la suivante en espérant qu'elle sois mieux.

Le genre de réaction normale après avoir vu défiler dans votre cabinet de psychiatre deux couples - pourquoi diable les gens viennent ils encore pour des thérapie de couple avec elle ? Ce n'était clairement pas sa spécialité - trois adolescents, une mineur accompagnée de sa mère et deux adultes. Tout ce beau monde, elle avait du l'accueillir après avoir reporté deux rendez-vous à ce jour à cause des voix dans sa tête qui l'avaient beaucoup incommodée le jour d'avant. Et aujourd'hui elles ne s'étaient pas tuent non plus, les voix. Ainsi ce n'était pas onze personnes qu'elle avait entendues ce jour, mais bien plus, peut-être une vingtaine. Ce genre de petit temps de pose que tout le monde aurait envie de prendre après une telle journée.

Pourtant Astrid elle, elle ne rentre pas chez elle. Elle n'en as pas envie tout simplement. Pas envie de se retrouver là, seule, avec ses pensées, seule avec ses démons, avec ses voix. C'est pourtant quelque chose qui lui est assez habituel, de s'isoler et à vrai dire cela ne la dérange pas généralement. Mais là elle ne veut pas. Là, elle veut aller danser et rire un peu. Profiter de la paix qui semble s'être installée dans sa tête depuis un peu plus d'une heure maintenant. Boire un verre. Voir même deux. Voir même carrément plus. Boire un verre et laisser un peu la folie du moment emporter son esprit ailleurs, dans la joie de l'instant. Astrid aime bien profiter des instants. Sans se concentrer sur le reste. C'est ainsi qu'alors qu'elle aurait pu rentrer tranquillement chez elle, enlever ses chaussures qui lui font mal au pieds, se prélasser dans le canapé en regardant le plafond pour décompresser de cette journée de boulot interminable, l'éternelle jeune femme se retrouve à passer la porte du Bourbon Jazz Club.

A l'intérieur, il n'y a pas trop de monde. Sûrement du au fait qu'on est au milieu de la semaine. Un mercredi comme les autres si ce n'est qu'il lui avait semblé interminable. Chose assez déconcertante pour une immortelle. Aussi c'est calme. C'est bien ça, elle aime le calme. Mais pas trop. Ce soir elle ne veut pas juste boire un verre tranquillement en parlant avec le barman. Ce soir elle veut danser. Rire. Danser encore et peut-être même danser toute la nuit, jusqu'à ce que ses pieds lui demandent d'arrêter. Elle est jolie Astrid ce soir, elle revient peut-être du boulot mais cela ne se voit pas. Ses cheveux blonds détachés retombent délicatement sur ses épaules avec autant de fraicheur qu'au matin de sa journée. Elle se tient droite, les épaules en arrière, le dos creusé, la tête dressée, le port et l'attitude d'une reine, ou plutôt.. D'une princesse. Son regard bleu vert parcourt la salle à la recherche d'un divertissement, quel qu'il soit. Inanimé ou vivant, homme ou femme, timide ou venant l'aborder. Peu importe.

Cela dit, elle apprécierait être abordée, qu'on vienne la voir pour lui dire que cette petite robe rouge qui lui arrive un peu au dessus des genoux lui va à ravir. Lui offrir un verre. Voir même deux. Voir même carrément plus. L'invite à danser. Faire la fête un peu. Oublier le monde pourri, fêter le calme dans son esprit et même ignorer les voix si elles viennent à revenir. Ainsi elle est là. Ses talons claquent sur le sol de bois vernis, elle s'approche du bar, réajustant par la même occasion sa veste en cuir noir sur ses épaules, un geste nerveux qu'elle accompli par automatisme dès qu'elle est dans une situation qui peut lui paraître inconfortable. Comme devoir rester sage pour le moment quand son envie première est de retirer ses chaussures et d'aller sur la piste de danse, entrainant avec elle pour cavalier ou cavalière la première personne qui accepterais sa main. Mais bon, on est dans un monde civiliser. Commençons par boire un verre.

- Bonsoir, un whisky s'il vous plait.

Demande t-elle après avoir captée l'attention de la personne derrière le bar. On lui signale que sa commande a été entendue et prise en compte, mais bon apparemment il faudra attendre que d'autres personnes soient servies, elle souffle d'agacement et se tourne vers la salle. Alors, qui va bien pouvoir ou même vouloir s'amuser avec elle ? Parce que rire seul ce n'est pas drôle, il lui faut un compère de soirée, quand bien même leur complicité ne dure qu'un soir. Eh bien c'est qu'elle ne cherche pas de meilleur ami après tout. Juste de la compagnie pour boire, rire et surtout, danser.