The witch & the vampire (ft Lorenzo)

Bonnie n'ignorait pas qu'en théorie, elle n'avait pas le droit de se trouver dans la bibliothèque en plein milieu de la nuit. Tous les élèves étaient censés rester dans leurs dortoirs (ou rentrer chez eux dans les rares cas où ils étaient externes). Le fait qu'une des professeure de l'académie soit sa meilleure amie ne lui donnait certainement pas de passe-droit. En fait, elle n'avait jamais vraiment demandé et avait juste considéré qu'elle ne pouvait pas vraiment utiliser ses liens avec Caroline (ou même avec Alaric) pour se donner plus de pouvoir que les autres étudiants. Et puis honnêtement, si elle avait demandé à l'une des autorités de l'institut, elle aurait été obligée de leur dire pourquoi elle voulait se trouver dans la bibliothèque à un moment où personne d'autres ne risquait de s'y trouver et ça, elle n'y tenait pas. Elle avait retenu la leçon. Les recherches qu'elle menait étaient dangereuses et elle ne tenait pas à mettre qui que ce soit en danger. En plus, elle était presque certaine qu'elle ne trouverait aucune information utile ici. Alaric avait beau avoir constitué une bibliothèque utile pour l’éducation de créatures surnaturelles, il n'allait pas laisser n'importe quel document portant sur le monde surnaturel entre les mains d'adolescents et de jeunes adultes en cours d'apprentissage de la maîtrise de soi. Elle savait, par exemple, qu'il gardait soigneusement dans son bureau les ouvrages qui étaient eux-mêmes imprégnés de magie (entre autres artefacts interdits au public).

J'aurais probablement du directement aller là-bas, songea Bonnie, alors qu'elle replaçait sur son étagère le troisième livre dont elle n'avait rien pu tirer.

Continuant de fouiller les étagères, elle essaya de ne pas envisager sérieusement l'idée de pénétrer de force dans le bureau du directeur. Elle pouvait peut-être avoir quelques passe-droits en faisant les yeux doux à Caroline, mais si elle se faisait attraper dans le bureau d'Alaric, en pleine nuit, au milieu des livres mis sous clés... Elle restait une étudiante. Une étudiante, certes particulière, mais une étudiante quand même.

Elle se figea quand elle entendit un bruit dans le couloir.

Oh non...

Elle était fichue. Elle n'avait pratiquement aucune chance de ne pas se faire repérer, plus de la moitié des êtres vivants à l'Académie étant des êtres aux sens ultra-développés. Tant pis, elle trouverait une excuse. De toute manière, elle venait de trouver un autre des livres présent sur sa liste et elle n'avait pas l'intention de laisser passer cette chance. Pas avec ce livre en particulier. Le Saltzman avait beau être un expert en archéologie et en occultisme, elle restait une Bennett.

Bonnie prit donc le livre, essayant d'être discrète, mais n'y mettant plus autant d'effort, se maudissant de n'avoir pas pensé plus tôt à un sort d'isolement. Elle retourna à la table où elle s'installa en posant le livre sur la table. Elle mit ses deux mains sur l'épaisse couverture, l'effleurant du bout des paumes tout en fermant les yeux. Elle ne bougea pas quand elle entendit la porte s'ouvrir, se contentant de détendre ses épaules. Enfin, elle aurait voulu le faire, mais la curiosité la prit au bout d'une seconde à peine et elle ouvrit les yeux, un léger sourire étirant ses lèvres quand elle réalisa qui l'avait trouvé.

« J'espère que ça ne va pas devenir une habitude, toi qui me surprends en train de faire des choses qui pourraient me causer des ennuis... »

Reposant les yeux sur le livre, la sorcière Bennett l'ouvrit à une page au hasard et replaça ses mains sur chacune des pages. « Ça fait un moment que je ne t'ai pas vu. Tu te cachais ? »

Elle ne l'admettrait jamais, mais dès qu'il avait parlé, avant même qu'elle ne le voit, elle l'avait reconnu. Elle n'avait pourtant pas l'impression de l'avoir rencontré assez souvent pour se souvenir si parfaitement de sa voix. Enfin peut-être que si... C'était ça le hic. Elle avait beau y réfléchir, elle pouvait compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où ils s'étaient vus et ils n'avaient même pas vraiment fait de choses ensembles (à part cette fois où il l'avait sauvé). Pourtant, si elle cessait de réfléchir et se contentait de se fier à son instinct, sa voix était extraordinairement familière. C'était perturbant. Perturbant parce qu'elle le connaissait à peine et qu'il était un vampire. Bonnie était programmée, par sa nature de sorcière, à se sentir en danger près d'un être comme lui. Elle devait lutter en permanence contre ses sens de sorcière lorsqu'elle était autour des Salvatore ou de Caroline, se rappelant sans cesse qu'ils étaient ses amis et qu'ils ne lui feraient aucun mal. Elle avait appris depuis longtemps à vivre avec cette dualité et elle pouvait donner l'impression qu'elle n'avait plus cette alerte permanente dans sa tête, mais c'était faux. Elle était toujours là. Sa magie lui hurlait en permanence que ces êtres étaient contre-nature et qu'elle ne devrait pas les compter comme allié. La somme de tout ce qu'ils avaient vécu ensemble l'aidait à lutter contre ses instincts et elle pouvait être parfaitement détendue en leur présence (si tenté qu'ils ne soient pas en train de lutter contre une menace ou une autre)... Mais pour Lorenzo, elle n'avait aucune raison cohérente pour expliquer qu'elle n'ait pas envie de prendre ses jambes à son cou, alors qu'il s'approchait d'elle.

Elle sourit malicieusement lorsqu'il lui expliqua que son absence était due à son travail, lui demandant si elle l'avait cherché. « Tu aimerais ça ? » C'était à la fois facile de jouer avec lui et terriblement difficile. Elle se sentait gauche, comme une adolescente vivant son premier flirt. Sauf qu'elle n'était plus une adolescente, que ça n'était pas son premier flirt... et qu'il n'y avait même pas de flirt du tout. Stupide, stupide Bonnie, songea-t-elle, essayant de se remettre les idées en place. Elle était seule depuis beaucoup trop longtemps et ne savait juste plus comment se comporter face à un homme. Oui, voilà ! C'était tout simplement ça. Désespérément seule depuis bien trop longtemps. Ça te monte à la tête, désespérante Bonnie. « Les gens ont trop souvent tendance à disparaître dans cette ville », dit-elle, comme pour se justifier. « J'essaye simplement d'être attentive aux gens que je connais. » C'était dans sa nature après tout. Prendre soin des autres, assurer leurs arrières. C'était le domaine dans lequel elle excellait. « Et puis... Je m'en serais voulu si tu t'étais attiré les foudres de quelqu'un pour m'avoir aidé la dernière fois... Même si en fait maintenant ça remonte à des mois quand on y réfléchis. » Elle fronça les sourcils. La dernière fois remontait au plus de six mois, mais puisque toute la ville avait été frappée d'amnésie, elle ne savait pas vraiment quelle temporalité donner à leur dernière escapade ensembles.

Lorenzo continua en cherchant la cause de son éveil nocturne et de sa présence à la bibliothèque. Elle pouvait dire insomnie en quelque sorte, mais pas totalement. Il est vrai que ces derniers temps, elle avait du mal à dormir. Trop de choses à penser et pas assez d'heures dans une journée pouvait conduire à ce genre de problèmes. « Ce livre », dit-elle en baissant les yeux vers l'objet sous ses doigts, lorsqu'il lui demanda ce qui la tenait éveillée la nuit. « Enfin, c'est Damon, en fait. » Encore mieux ! Avait-elle pris un coup sur la tête pendant ces six mois oubliés, qui lui avait laissé pour séquelle de ne plus savoir s'exprimer correctement ? « Je veux dire : Damon et ses mauvaises fréquentations me filent vraiment des insomnies et j'attends la prochaine grande catastrophe, alors... J'ai décidé que si je pouvais avoir une longueur d'avance pour une fois, ça ne serait pas du luxe. Et on en vient donc à ce livre ! » Elle posa un doigt sur la page ouverte. « Pour n'importe qui c'est un simple livre de contes et légendes. C'est même presque surprenant qu'il soit là parce qu'il n'a rien de particulier. Les histoires qui y sont racontées ne sont que des fables pour la plupart et toutes les informations véridiques sont trouvables dans des ouvrages bien plus sérieux. » Bonnie tourna les pages jusqu'à trouver une petite annotation dans un coin de page qu'elle montra à Enzo, désormais assis près d'elle. « Sauf qu'il a appartenu à une sorcière Bennett. Et je peux sentir la magie de ma famille dans ses pages. Ça fait un moment que je veux voir ce qu'il contient de caché... Mais je ne peux pas le faire devant d'autres étudiants. Et me voilà ici en pleine nuit ! »

Bonnie leva les yeux vers le vampire et lui fit un nouveau sourire. Il y avait bien une Bonnie Bennett, un mystère et probablement des ennuis à venir. « Est-ce que c'est assez intéressant pour toi ? »

S'il y a bien une chose que Bonnie n'attendait pas, c'était que Lorenzo réponde par l'affirmative quand elle lui demanda si cela lui plairait qu'elle l'ait cherché. Est-ce qu'ils étaient vraiment en train de le faire ? Est-ce qu'ils flirtaient l'un avec l'autre pour de vrai ? Bon sang, pourquoi devait-elle se sentir aussi gauche ? Elle avait l'impression d'être une idiote. Elle avait vingt-quatre ans, avait transformé en pierre le tout premier des immortels (et puissant sorcier) et ses joues s'enflammaient sans aucun contrôle juste parce qu'un garçon lui disait que cela ne lui déplairait pas qu'elle l'ait cherché ces dernières semaines... Un garçon qui pouvait sentir son sang pulser dans ses veines et son cœur battre plus vite, même depuis l'autre bout de la pièce, parce que c'était un vampire. Grand-mère en ferait une attaque !, songea Bonnie, s'étonnant elle-même de pouvoir si facilement penser à ce genre de plaisanterie.

Mieux valait argumenter qu'elle se préoccupait juste des gens en général (ce qui était totalement vrai) et se concentrer sur le sujet principal de la soirée : ce qu'elle faisait là et pourquoi c'était délicat qu'il l'ait trouvé. Même si c'était toujours mieux que ça soit lui plutôt qu'un autre. Enzo argua qu'il espérait que les gens qu'elle protégeait lui témoignaient la même attention. « Bien évidemment ! », répondit-elle en hochant la tête, vite... peut-être un peu trop vite. Bien sûr que ses amis assuraient ses arrières. Bien sûr qu'ils s'inquiétaient pour elle et se préoccupaient de son bien-être. Ils avaient juste beaucoup plus à gérer qu'elle. Combien de fois Elena avait été en danger en même temps que son frère ou qu'un frère Salvatore ? Combien de menaces avaient-ils été contraints d'affronter en même temps. Et puis Caroline avait ses filles et comme toute bonne maman, bien sûr que ses enfants passaient en premier, mais ça ne voulait pas dire que Bonnie ne comptait pas.

Et puis il y avait aussi cette culpabilité latente chez Bonnie. S'il était arrivé quelque chose à Enzo par sa faute, parce qu'il l'avait aidé, elle s'en serait mordu les doigts. La façon dont il lui répondit qu'il était responsable de ses décisions... Elle en fut surprise. Il ne lui en aurait pas voulu s'il avait eu des problèmes par sa faute ? « Je sais ce que c'est », affirma la jeune sorcière en lui souriant doucement. « Moi non plus je n'ai pas la moindre idée de ce qui a pu se passer pendant ces six mois... Et je déteste ça. » Elle détestait ne pas savoir où tout ça les avait conduits. Elle était certaine qu'elle en avait appris plus sur Peter Hale pendant ce laps de temps et qu'elle était simplement revenu à la case départ. Du moins, elle l'espérait. Parce qu'aussi énervant que cela soit, l'idée qu'elle n'ait rien obtenue lui semblait être une perspective bien plus terrifiante. Le problème étant que si Hale avait découvert (pendant ce même temps) qu'elle était sur son dos, alors elle était engagé sans le savoir dans une course contre la montre. Le premier qui retrouverait ses souvenirs aurait l'avantage sur l'autre et à ce jeu, il ne valait mieux pas que Bonnie soit à la traîne.

Non, il fallait absolument qu'elle prenne de l'avance. Il fallait qu'elle découvre tout ce qu'elle pouvait sur Hale, sur ses faiblesses et sur ce qu'il avait qui faisait que Damon restait enroulé autour de son petit doigt. Elle ne s'attendait pas à voir Lorenzo St John se proposer pour l'aider dans cette tâche et pourtant. Dès qu'elle eut fini de lui expliquer ce qu'elle faisait là, il lui répondit que c'était son premier club de lecture clandestin et se mit même plus à l'aise en lui demandant quoi faire. Elle leva les yeux vers lui et le regarda un instant sans rien dire. « Tu n'es pas obligé de m'aider... tu sais... » Quelque chose lui disait que l'impliquer là-dedans était une mauvaise idée, mais en même temps, une autre partie d'elle n'avait aucune envie de l'en empêcher. Elle reconnaissait qu'il avait de très grandes qualités et qu'il faisait un allié de poids et n'avait pas vraiment envie de se priver de cet avantage-là. « Merci... »

Bonnie se racla la gorge et feuilleta les pages un peu aléatoirement, cherchant plus avec ses mains qu'avec ses yeux. « J'ai un vieux grimoire dans ma chambre. Il appartenait à ma grand-mère, transmis de sorcière Bennett en sorcière Bennett. Il contient beaucoup d'informations sur la magie pratiquée par ma famille. Mes ancêtres ont créé plusieurs sorts que seul notre sang peut faire et défaire, mais... je ne sais pas si je serais capable de le faire. La dernière fois que j'ai eu à défaire le sortilège d'une sorcière de ma famille, je l'ai fait avec l'aide de ma grand-mère... et elle en est morte... » Sa lignée comptait quelques-unes des sorcières les plus puissantes de l'historie et Emily avait assurément été l'une d'entre elle. Bonnie n'était pas sûre d'avoir assez de puissance, même pour trouver quelque chose qui lui était potentiellement destinée. Sa magie s'était bien trop souvent retournée contre elle. « Et peut-être que ça sera un coup d'épée dans l'eau et qu'on ne trouvera rien d'intéressant... Alors ne m'en veut pas trop si tout ça ne mène à rien de concret, d'accord ? On va peut-être juste perdre notre temps. »

Il était loin, le temps, songea Bonnie, où elle ne désirait que se tenir le plus loin possible des vampires. Voilà qu'elle était là, en pleine nuit, seule avec l'un d'entre eux, espérant qu'il ne changerait pas d'avis. Qu'il ne trouverait pas finalement qu'il avait mieux à faire que de rester avec elle pour tenter un pari risqué autour d'un livre dont elle ignorait l'intérêt réel. Elle ne pouvait pas dire qu'ils étaient amis. Ils ne se connaissaient même pas vraiment. Contrairement aux frères Salvatore ou à Caroline, il n'avait aucune raison de lui accorder le moindre intérêt, s'il n'en avait pas l'envie. Leur seule connexion concrète était leur amitié respective pour Damon. Et si le lien Salvatore/Elena poussait Damon et Stefan à – à minima – protéger Bonnie quand ils le pouvaient au nom de son amitié avec la fille Gilbert, la relation de Lorenzo et Damon ne justifiait pas ce même égard de la part du vampire. Non, si Lorenzo venait à son secours ou décidait de passer une nuit dans une bibliothèque avec elle, c'était son propre choix. Et puisqu'ils n'étaient pas vraiment amis, ce désir était fragile. Si elle ne se montrait pas à la hauteur, il pourrait décider de disparaître, aussi rapidement qu'il était entré dans sa vie.

Lorenzo commença alors à développer un questionnement et des hypothèses sur leur absence collective de souvenirs. Est-ce que les six mois avaient un sens ou n'était-ce qu'une question de puissance nécessaire pour faire oublier à toute une ville l'entièreté de ce qu'il s'était passée ? « Je crois que c'est ce que je ferais si je voulais qu'on ne sache pas que je suis là. À grands coups d'hypnose pour ma part. » Elle lui sourit doucement. « Oui, ôter les souvenirs de toute une ville nécessite une puissance phénoménale. Même six mois... J'ai énormément de mal à croire que ça soit l’œuvre d'une seule personne. » C'était tout bonnement impossible. Pas seulement d'un point de vue technique, mais aussi du point de vue de l'intérêt. Pourquoi retirer six mois ? Que s'était-il passé pendant cette période ? Qu'est-ce que les coupables avaient tant voulu dissimuler ? Est-ce que quelque chose les menaçait ou était-ce déjà trop tard ? Bien sûr, ne pas savoir ce qu'elle avait vécu pendant tout ce temps l'agaçait profondément aussi. « Tu imagines, si on avait trouvé quelque chose contre Hale et qu'on avats pu sortir Damon de cette... dangereuse association ? » S'ils avaient réussi... Pourraient-ils recommencer une nouvelle fois ? Ils n'avaient aucune garantie d'y parvenir à nouveau, ni aucune garantie de ne pas commettre les mêmes erreurs s'ils avaient échoué. « Et si on avait été informé que quelque chose allait nous arriver bientôt et qu'on se dirigeait droit vers une fin du monde ou je ne sais quoi, sans même en avoir conscience ? J'aimerais bien avoir une longueur d'avance et pas trois trains de retard, pour une fois ! » Elle était pessimiste sur le sujet, vraiment, mais parce que de son point de vue de sorcière, faire en sorte de faire perdre autant de souvenirs à autant de monde cachait forcément quelque chose de terriblement inquiétant. « Sauf si c'est toi le responsable. As-tu commis une erreur si terrible que tu cherches à nous la cacher, au point d'avoir hypnotisé toute la ville ? », plaisanta-t-elle suite à ses mots précédents, afin d'alléger un peu l'atmosphère. « Je suis certaine qu'on pourra résoudre le problème si tu m'en parles, Lorenzo ! Tu n'as vraiment pas besoin d'en arriver à de tels extrêmes ! » Ce n'était pas l’œuvre d'un vampire, c'était certain. Même les vampires originels étaient incapables de manipuler l'esprit des sorcières. Elle ignorait totalement quel type de créature (ou quelle association de pouvoirs) pouvaient accomplir un tel exploit.

« Oh Bonnie Bennett penses tu vraiment que quelqu'un puisse m'obliger à faire quelque chose que je n'ai pas envie de faire ? », lui demanda le vampire lorsqu'elle lui assura qu'il n'était pas obligé de l'aider. Un frisson la parcourut, la profondeur de sa voix déclenchant en elle une réaction épidermique qui la prit complètement au dépourvu. Pourquoi est-ce que ce frisson ne lui semblait pas... inconnu ?

Parler de sa grand-mère (et l'entendre lui dire qu'il était désolé pour elle) lui permit de se recentrer sur le sujet. Oui, sa grand-mère savait ce qu'elle risquait. Pour Bonnie, elle l'avait même sans doute compris avant même d'accepter d'aider à ouvrir cette tombe. Cela ne rendait pas les choses plus faciles. Bonnie l'aurait fait, seule ou aidée, pour Stefan, pour Elena, et si ça grand-mère l'avait fait, tout en sachant dès le départ vers quoi cela conduirait, alors elle s'était sacrifiée pour sauver la vie de sa petite fille. C'était une culpabilité que Bonnie porterait toute sa vie, même si sa grand-mère lui avait dit que c'était son choix et qu'elle n'avait pas à s'en vouloir, lorsqu'elle avait pu accéder à l'Autre Coté et parler à Sheila. Quel choix était-ce lorsque vous deviez choisir entre votre vie ou celle de votre petite-fille ?

Alors le vampire lui expliqua qu'il avait une idée très précise de qui pourrait les aider. Elle devina sans problème de qui il parlait. Oui, il était presque certain que Lysandre Borealis serait partante – au moins pour lui -. En toute honnêteté, Bonnie n'avait tout simplement pas imaginé demander de l'aide à une sorcière. Elle n'avait eu aucune envie d'en parler à quelqu'un. Lorenzo lui-même n'était au courant que parce qu'il l'avait surprise en mauvaise posture, lui était venue en aide et qu'elle avait été contrainte de lui expliquer ce qu'elle faisait qui pouvait la mettre dans un tel danger. Si elle devait échouer dans son plan (ou plus probable, si elle se faisait tuer par Hale), elle préférait que le moins de personne possible soit impliquées. Que lui soit dedans était déjà trop. Elle ne supporterait pas d'être responsable s'il lui arrivait quelque chose.

Pour lui, cette soirée n'aurait rien d'une perte de temps, même s'il ne trouvait rien, mais il trouvait dommage qu'elle parte défaitiste dès le départ. Elle ne savait pas si elle devait se sentir flattée ou piquée et c'était exactement ce qu'il fallait pour titiller son ego et la pousser à redoubler d'efforts pour parvenir à découvrir les secrets du livre. Elle voulait lui prouver qu'elle était tout à fait capable de réussir et qu'elle ne lui ferait pas perdre son temps. Qu'elle était pessimiste quant à ses capacités, mais qu'en vérité, elle était puissante... Qu'elle en valait la peine... Elle regarda Lorenzo une seconde, s’imprégnant de ses mots et de ses convictions et hocha la tête. « Okay. Essayons ça, alors ! » Elle regarda le livre avec attention : « Phasmatos oculacs... » Il ne se passa rien, mais cela ne l'étonnait pas vraiment. « Invisque saeclum... » Toujours rien, pas même un sursaut de magie sous ses doigts. Bonnie soupira de dépit, secouant la tête. « Tu as raison, il me faut une bougie... et du gros sel. Un bol, de l'eau et... Sans doute d'autres choses qui me viendront en tête en cours de route. » Elle se leva, prit la main de Lorenzo pour le tirer de sa chaise et l'entraîna derrière elle. « Il faut qu'on aille à la cuisine ! »

Qui était pessimiste maintenant ? Si tout cela était l’œuvre d'une seule et même personne, même un monstre ou une créature surnaturelle, alors la suite ne serait vraiment pas une partie de plaisir. La quantité de pouvoir qu'une telle action avait représenté laissait présager une puissance inégalée. Alors pour le coup, Bonnie considérait que la version optimiste était de penser qu'ils étaient plusieurs. Que si personne n'avait fait cela avant, c'était parce qu'ils n'étaient pas assez nombreux ou pas assez fort et pas l’œuvre d'une seule entité surpuissante. Parce qu'elle savait de première main que le nombre pouvait être une force, autant qu'un ennemi. Leurs ennemis s'alliaient toujours pour poursuivre des buts différents et les alliances étaient donc fragiles. Plusieurs voulaient donc dire : des faiblesses, un moyen de liguer les individus les uns contre les autres, un moyen de les affaiblir. Il fallait qu'ils soient plusieurs s'ils voulaient avoir une chance de combattre la menace.

Bonnie ignorait (à nouveau ?) pourquoi Damon était tant à la botte de Hale. Elle se doutait qu'il y avait quelque chose qu'il ne disait pas. Elle le connaissait assez maintenant pour savoir quand il faisait une blague douteuse pour se détourner d'un sujet où il pourrait potentiellement donner l'information de trop. Tout comme elle savait quand il détournait la conversation l'air de rien ou pire, quand il lui mentait ouvertement. Il y avait quelque chose qui le maintenait sous la coupe du nouveau roi de la Nouvelle-Orléans (ou le nouveau chef suprême ou elle ne savait quel nom ils se donnaient ces temps-ci, ceux qui avaient tant soif de pouvoir qu'ils se plaisaient à croire avoir le contrôle total de toutes les créatures présentes en ville). Pour Lorenzo, cela pouvait être un acte totalement délibéré ou simplement un Damon dans son cycle d'autodestruction favori. La sorcière eut d'abord envie de répliquer pour défendre l'aîné des Salvatore, mais elle devait admettre qu'ils n'étaient jamais réellement à l'abri que ça soit vrai. Damon avait le chic pour prendre les mauvaises décisions et s'enfoncer dans les erreurs de parcours. Et pour ce qu'elle en savait, Lorenzo avait subi durement les conséquences des mauvais choix de Damon. Ils se rejoignaient là-dessus, tous les deux.

« Une fin du monde je doute. Pourquoi vouloir détruire un endroit, où qui ou quoi que ce soit, est réussi à vivre sans faire de vagues jusque là ? » Bonnie haussa les épaules en guise de réponse. Il y avait beaucoup de questions existentielles auxquelles Bonnie n'avait pas de réponses : pourquoi la magie des sorcières est héréditaire ? Pourquoi les frères Salvatore avaient été assez stupides pour laisser Katherine Pierce s'immiscer entre eux ? Pourquoi les vampires étaient sensibles à la verveine et pas à l'ail ? Elle n'avait pas non plus la réponse à ces questions, mais cela n'empêchait pas que c'était la réalité.

Elle fut contente, néanmoins, qu'il réagisse positivement à sa tentative de blaguer. « Il y a bien deux ou trois choses que j'aurais voulu secrète, mais ce ne sont pas des erreurs. » Elle n'allait pas admettre qu'elle était curieuse. Est-ce qu'il mettait autant d'humour dans sa réponse, qu'elle n'en avait mis dans sa théorie ? Y avait-il un fond plus sombre, un aveu de choses qui pesaient sur sa conscience ? Elle s'étonnait elle-même du sérieux de sa curiosité. Pour ce qu'elle savait de lui, il n'était pas une mauvaise personne. Il avait eu le malheur d'être prisonnier très longtemps, dans de très sombres conditions et malgré ça, il était resté... accroché à son humanité. Il ne l'avait pas fait taire, n'était pas entré dans un cycle de vengeance envers l'humanité toute entière. Aujourd'hui, il était très proche d'une sorcière et il l'avait aidé elle (et l'aidait encore) sans rien attendre en retour. Avait-il de sombres secrets qui pourraient changer la façon dont elle le voyait ou évoquait-il des histoires peu glorieuses prêtant à rire de lui ? Si l'idée d'hypnotiser toute une ville lui semblait « plus marrante », c'était sans doute les histoires peu glorieuses et pas quelque chose de si grave, non ?

Redevenue sérieuse, résistant à l'envie de lui demander de lui révéler des choses qu'il n'aurait sans doute pas envie de partager avec elle, elle se concentra sur ses tentatives de faire révéler ses secrets au livre. Voyant vite qu'elle n'arrivait à rien avec sa magie de base, elle entraîna Lorenzo dans la cuisine, à la recherche du matériel nécessaire pour augmenter sa puissance et essayer un sortilège de révélation plus puissant.

Dès qu'ils furent sur place, le vampire sortit des placards les premiers éléments dont elle avait dit avoir besoin. « Que puis-je faire d'autres pour t'aider avec cette recette Bonnie Bennett ? » Pourquoi est-ce qu'elle aimait tant la façon dont son nom sonnait avec cet accent britannique ? Ça n'était pas elle, d'ordinaire, que les accents émoustillaient. C'était censé être le truc de Caroline. Avant qu'elle ne puisse répondre, il partit à pleine vitesse vampirique, avant de revenir, tout aussi rapidement, avec le livre. Elle hocha la tête et lui indique l'espace libre entre le bol et elle, sur le comptoir en inox. « Pose-le là, s'il te plaît. » Elle alla ensuite remplir le bol d'eau du robinet, avant de le reposer au même endroit, attrapant au passage l'allume-feu qui traînait à côté de la cuisinière. « Il faudrait trouver une bougie aussi. Blanche ou rouge. » Pendant ce temps, elle fouilla les placards et réfrigérateurs et en sortie un bouquet de thym et de la cannelle en poudre, ajoutant un couteau à la liste de ses trouvailles. Elle se gratta nerveusement la tête en regardant le tout, posé en vrac sur son plan de travail. « Ça serait mieux avec des bâtons, mais je n'ai que de la cannelle en poudre alors... Tu vas penser très fort au fait que ça va marcher et ça marchera, d'accord ? » Qu'il y croit ou pas n'allait pas réellement avoir un effet sur le sortilège, mais elle ne pouvait nier que sa foi en elle faisait son petit effet lorsqu'elle avait besoin d'aller puiser plus loin que dans sa magie de base.

Bougeant le bol d'un demi-millimètre, Bonnie l'aligna avec le livre ouvert, pris le pot de sel et dessina un cercle presque parfait autour des deux objets. Il lui avait fallu, honnêtement, des centaines d'heures d’entraînement pour arriver à dessiner des cercles qui ressemblaient vraiment à des cercles avec diverses poudres et sables, alors elle appréciait de faire son petit effet avec sa dextérité. Elle continua en plongeant plusieurs branches de thym dans l'eau, réfléchissant à la suite. Une alerte s'alluma dans sa tête et elle regarda de nouveau Lorenzo. « Je vais tenter de faire appel au lien du sang, au cas où il s'agirait d'un sort en lien avec la magie de ma lignée. J'espère que tu n'as pas faim parce que sinon il... il serait peut-être préférable que tu attendes dehors. Je n'ai pas besoin de beaucoup, mais je vais devoir me faire saigner... »