Tension au Rousseau
ft. Alicia Forks

I’m not doing this because I want to beat someone, because I hate someone, or because I want to blame someone. I do what I do because it’s right! Oh wait... actually... I do what I do because it is mean and I hate everyone.

Cette ville offrait pour le moment à Thésée bien plus qu'il ne l'aurait imaginé. Il aimait son nouveau travail, bien qu'il ne savais toujours pas par quel miracle il avait pu atteindre un si gros poste en si peu de temps alors qu'il n'avait encore jamais vécu à La Nouvelle Orléans, et le souvenir d'Angelina disparaissait de plus en plus de son esprit. Il lui arrivait de penser à elle bien sûr, mais pas quotidiennement. Quelque part il sentait qu'il se remettait bien de cet abandon, et que cette nouvelle vie qu'il avait recherché était la bonne. Sorti de bonne heure de la mairie après une journée pourtant bien chargée, Thésée décida de se rendre au bar. Il n'était pas encore beaucoup sorti depuis son arrivée ici, et cela pouvait être un bon endroit pour faire des rencontres, ailleurs qu'à la salle de sport qu'il fréquentait ardemment, et qu'à son travail où les relations restaient pour le moins professionnelles. Personne n'avait jusqu'alors trop attiré son attention depuis un mois qu'il était arrivé ici.

Il entra au petit bonheur la chance dans un bar qui portait un nom qui l'inspirait fortement : Le Rousseau. Il n'aurait su dire pourquoi il avait choisi celui-ci, mais quelque chose l'invitait à entrer, alors, homme sans prise de tête qu'il était, il poussa la porte de l'établissement. Le lieu était un peu tamisé, et l'ambiance paraissait clairement correspondre à ce qu'il recherchait pour ce début de soirée. Un petit verre tranquille après le travail, il ne demandait rien de plus. Attablé au bar, une bière pression en main, il la dégustait tranquillement, appréciant ce moment de sérénité avec son compagnon de fortune qu'était le houblon, lorsqu'un homme le bouscula sans ménagement pour passer, et sans s'en excuser. Renversant une bonne partie de sa bière sur le comptoir, et quelque peu sur ses mains, Thésée se retourna vers l'inconnu pour que ce dernier s'excuse. Mais celui-ci ne fit que ricaner. « Je ne sais pas ce que tu attends pour t'excuser, mais tu me dois une bière là. » Lui dit le Grec, une teinte de colère dans la voix. Ce genre de comportement l'exaspérait. Les gens se croyaient chez eux partout. Ce n'était plus possible. L'autre homme se contenta de rire sarcastiquement en donnant un coup de coude à l'un de ses amis « Un gringalet comme lui je le casse en cinq minutes. T'inquiète pas ma mignonne tu boiras juste moins de bière ce soir. A ton âge c'est interdit de boire de l'alcool. » Il serra les dents. Il était certain que Thésée, en costard et parfaitement rasé, ne paraissait pas des plus imposants ou impressionnants. Et pourtant, il faisait du sport plus que de raison, et la boxe était l'un de ceux qu'il pratiquait depuis le plus longtemps. L'adjoint au maire n'aurait donc aucun mal à décocher à cet homme, un bon crochet qui le ferait vaciller sans aucun doute. Se levant de son siège, le trentenaire regarda droit dans les yeux celui qui venait clairement de se moquer de lui. « Crois-moi, tu ne veux pas te lancer dans une bagarre avec moi. Donc tu vas repayer ma bière. » Lui dit-il alors les yeux dans les yeux. Son regard brun était franc, teinté de colère. Ce sentiment si contraire au calme apparent de Thésée, mais qui s'emparait parfois de lui et prenait toutes les décisions. Après avoir rapidement jaugé l'autre, il avait considéré, probablement à raison, qu'il pourrait lui mettre une bonne dérouillée. D'ailleurs cet homme était vraiment dans un mauvais état, car s'il le frappait le premier, il porterait atteinte à un représentant officiel de l'Etat, ce qui était punissable par la loi.

Le ton monta rapidement entre les deux hommes, et Thésée avait déjà retroussé les manches de sa veste pour lui mettre une correction, quand une femme les interrompit. Le sang bouillonnant du Grec avait pris le dessus, et désormais il ne voulait plus qu'une chose, en venir aux mains. « Oh ta maman est venue te sauver, comme c'est mignon. » Continua de le narguer l'autre homme. A priori, il ne connaissait pas non plus la femme qui était venue se mettre entre les deux. Que faisait-elle ici ? Il ne savait pas trop pourquoi elle était venue tenter d'interrompre les deux hommes, mais Thésée n'avait réellement pas besoin de sa personne pour s'en sortir. « Reste en dehors de ça, je gère. » Dit-il sans un coup d'oeil à la femme qui, il l'avait distingué dans son champ de vision, était châtain blonde. Il n'avait besoin de personne pour régler ses problèmes, et surtout pas d'une inconnue. Les muscles de tout son bras contractés, prêts à envoyer sa main dans la mâchoire de l'inconnu de manière bien placée, il ne quittait pas celui qui était désormais un adversaire du regard. Ce dernier envoya sa main le premier, et Thésée esquiva sans grande difficulté. A voir la manière avec laquelle il avait envoyé son coup, il ne s'entraînait pas beaucoup. Bonne nouvelle. Contre toute attente, Thésée envoya un crochet du gauche qui vint frapper l'homme dans sa mâchoire. Reculant d'un pas pour se préparer à éviter un second coup, entièrement concentré dans son combat, il se heurta à ladite femme et marmonna une excuse tout en restant concentré sur ce qui pouvait suivre.

Tension au Rousseau
ft. Alicia Forks

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Les voix qui susurraient à l'oreille de Thésée étaient sourdes, grondantes, colériques. Lui, l'homme au calme si apaisant, à l'attitude posée et douce, il lui arrivait de devenir réellement quelqu'un d'autre sous l'emprise de la colère. Il le savait, depuis toujours, que des accès de colère pouvaient le prendre, et il était difficile de se maîtriser. Au travail il faisait tout pour que cela passe inaperçu. Concentré, réfléchissant à autre chose, il laissait couler sur lui les insultes et les crachements au visage que pouvaient recevoir les politiques. Très professionnel, ça il savait le gérer. Mais ce soir là au bar, il était tellement détendu qu'il avait baissé sa garde. Il avait juste voulu profiter, et le fait qu'on lui ruine sa bière ne lui avait pas plus du tout. Et puis ces hommes qui se prenaient pour on ne sait qui en voulant jouer au mâle dominant en écrasant les plus faibles, c'était contre l'éthique de Thésée. C'était probablement ce mélange d'attitude et de circonstances qui avait fait que le Grec avait craqué et participé à l'escalade de tension entre les deux hommes.

Alors qu'il était entièrement concentré sur ce qui devenait très clairement une bagarre de bar entre un ivrogne qui cherchait à s'affirmer et un client sobre mais bagarreur, la jeune femme revint à la charge et se plaça entre les deux hommes, posant ses mains sur leur torse. Le simple fait de la voir passer à nouveau dans son champ de vision suffit à Thésée pour retrouver ses esprits. Laissant retomber ses bras le long du corps, il secoua la tête comme pour évacuer les pensées sombres et grondantes qui voulaient toujours en découdre avec l'autre homme. Puis ce fut le retour à la réalité. L'homme serein, calme et posé qu'il était refit surface, et on aurait à peine dit, si ce n'était les rougeurs sur le bout de ses phalanges, qu'il venait de se battre. Ce qui s'ensuivit lui parut alors assez surréaliste. Le belligérant était en train de se démener mais la femme lui avait rapidement fait une clef de bras et le tenait maintenu contre le comptoir. Il était appuyé contre le contenu poisseux de la bière qu'il avait répandu et que son tee short était actuellement en train d'éponger. Cela arracha un petit sourire de satisfaction à Thésée. Mais le plus étonnant était la force de cette femme. Elle ne payait pas de mine vu comme ça, mais elle semblait maîtriser l'homme sans grande difficulté. Elle se déclara de la police et il se dit que cela devait être dû aux entrainements qu'elle devait subir. Mais tout de même, il était impressionné. Prenant un peu de recul sur la situation il se rendit compte qu'il avait été gamin, et que ce petit bout de femme était en train de gérer tout le bar : l'importun bloqué contre le comptoir, les curieux à qui elle avait sommé de reprendre leur vie comme si de rien n'était, ses collègues au téléphone. La police était efficace dans cette ville dis-donc. L'adjoint au maire ne manquerait pas de se souvenir de cela, et cela lui plut.

Attendant ses collègues, puisqu'elle était manifestement en repos de garde, elle lui demanda alors ses papiers. Et pourtant elle ne lui avait montré son badge à aucun moment. Pour peu cela pouvait être une habituée des bars qui jouait les supers-héros, même s'il en doutait. C'est alors que le Thésée un peu suspicieux, mais qui souhaitait quand même briser la glace et se faire pardonner pour son comportement odieux, fit surface. « Je serai ravi de vous présenter mes papiers lorsque vous m'aurez montré votre badge. » Indiqua l'adjoint au maire avec un petit sourire, tandis qu'il cherchait dans la poche de sa veste qui se trouvait sur sa chaise, son portefeuille par preuve de bonne foi. Sortant ses papiers, le politicien resta debout près de ladite potentielle policière en attendant ses renforts. « Je suis désolé pour ce grabuge, je payerai pour le verre cassé par Monsieur. » dit-il à l'attention du barman qui se trouvait derrière le comptoir, quelque peu effaré par la scène. Manifestement ce n'était pas dans les habitudes du Rousseau de devoir séparer des gens. Il le nota dans un coin de son cerveau.

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Thésée n'avait pas la tête de l'homme qui serait du genre à déclencher des bagarres dans des bars. Et pourtant... le sang bouillonnant qu'il se savait avoir lui avait bien plus d'une fois joué des tours. Mais dès que sa colère retombait et qu'il reprenait conscience de la réalité, il redevenait le Thésée calme et posé que la plupart des gens connaissaient. Cette petite esclandre ne fit pas exception. Sitôt qu'il s'était rendu compte qu'il n'y avait pas plus de colère à avoir que contre un enfant qui ne comprend pas un exercice, le Grec s'était apaisé. Il se sentait un peu bête il fallait l'avouer. En plus se faire attraper par la police, dans ces premières semaines ici ? Alors qu'il était adjoint au maire ? Ce n'était pas le meilleur moyen de se présenter aux forces de l'ordre, lui qui entretenait généralement avec elles de très bonnes relations. Ladite policière lui présenta un badge qui confirmait les dires et l'attitude dont elle venait de faire part. Il n'y avait pas vraiment eu de doutes, mais tout de même, on ne pêchait jamais par excès de zèle. Il lui tendit alors ses papiers sans broncher. Thésée Hawkins n'avait rien à cacher et rien à se reprocher. Il n'avait pas lancé le premier coup, il n'avait pas détruit la bière, il avait globalement tâché de se défendre.

Finalement les policiers embarquèrent son opposant, qui avait quelques difficultés à leur exprimer clairement ses intentions. Manifestement il était encore plus saoul que ce que Thésée avait pu analyser. Le blond pesta intérieurement : il devait faire plus attention à ce genre de choses. Sa mémoire eidétique ne lui faisait jamais défaut, mais pourtant ce soir-là il avait failli à tout analyser correctement. Quant à lui, les collègues de la demoiselle blonde n'avaient pas prévu de l'emmener plus loin que cela. Reprenant ses papiers qu'il fourra dans la poche de sa veste avant de jeter cette dernière sur son épaule, il regarda la femme qui l'avait intercepté dans son élan de colère. « On peut dire sans trop s'avancer que je vous dois un verre pour vous remercier. » Lui dit-il avec un sourire sincère. Venait-il d'inviter une flic qui avait failli le coffrer à prendre un verre ? Très clairement. Mais Thésée n'était ni un homme qui s'embêtait des conventions, ni même un dragueur compulsif. Alors cette demande était dans son esprit claire, désintéressée, et simplement sympathique. Il n'y avait dans ses mots rien de plus simple que cela, aucun sous entendu, aucun désir d'aller plus loin avec elle. Il voulait juste se détendre, et il pensait avoir trouvé une potentielle personne pour l'accompagner voilà tout. Lui tendant la main dans l'intention de la serrer, il dit alors : « Nous n'avons pas été officiellement présentés, je suis Thésée. » Evidemment, cela elle l'avait déjà lu sur sa carte d'identité, mais le blond préférait se présenter de lui-même. Et puis, cela permettait de prendre un nouveau départ, indépendamment de la petite rouste qu'elle avait interrompu quelques minutes auparavant. Par ailleurs, il ne connaissait pas le prénom de la demoiselle, et cela lui permettait de se présenter à son tour. Finalement ce petit tour de passe passe n'était pas seulement quelque chose de poli mais aussi de bien pratique pour que cette dernière puisse décliner son identité en faisant table rase, il l'espérait, des événements précédents. Faisant un signe au barman, il lui intima silencieusement et par un geste de la main qu'il ne connaissait que trop bien, de lui resservir deux verres de la même bière. Les flics aimaient la bière n'est-ce-pas ? Ou était-ce encore un cliché ? Cela n'avait que peu d'importance. Si elle n'en voulait pas l'adjoint au maire pourrait bien boire les deux, cela ne lui changerait pas grand chose... Et puis, il n'y avait pas de raison qu'elle refuse : rares, voire inexistantes, étaient les femmes qui refusaient au sourire de Thésée ce qu'il leur proposait. S'il n'était pas un homme à profiter de son charme naturel et de son visage attirant, il savait pourtant que cela pouvait jouer en sa faveur.

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Elle lui raconta que ce n'était pas la peine, et qu'il était plutôt du genre sympathique finalement de s'être calmé si vite. Thésée sourit. Ce n'était tellement pas la façade qu'il renvoyait habituellement, d'être un homme à se retrouver dans une bagarre de bar, qu'il s'était senti obligé. Et puis, cela lui faisait plaisir de passer la soirée à plusieurs plutôt que seul. Il venait d'arriver en ville et se faire des amis pouvait passer par ce genre de rencontres impromptues, qui pouvaient mener à des amis qui riraient plus tard de la manière dont vous les aviez traité la première fois que vous les aviez vu. Et il trouvait déjà cela cocasse de dire qu'elle avait failli lui passer les menottes à leur première rencontre. 

La jeune femme qui était jusqu'alors une inconnue attrapa la main tendue par Thésée pour la serrer dans une poignée de moins plus officielle. Il lui sourit. D'inconnue, elle devint Alicia. Le Grec plissa les yeux un instant. Ce prénom semblait lui aller plutôt bien, ou en tous cas il correspondant dans l'esprit du jeune homme à la couleur de cheveux de son interlocutrice. Il garda dans un coin de son esprit cette remarque intérieure sur le physique de la demoiselle et resta concentré sur leur conversation. Alicia, policière. Un sacré petit bout de femme au premier coup d'oeil donc, dont l'intégrité la poussait à prendre des précautions contre les bagarreurs même lors de ses heures de repos. Il récupéra les deux bières que le barman avait déposé pour eux sur le comptoir, et les échangea contre un billet qui suffirait largement à payer leurs boissons. 

Un verre dans chaque main, il indiqua à Alicia un petit coin avec deux chaises à l'allure plutôt confortable, et qui lui semblaient bien plus propice à la suite de cette soirée, que d'être accoudé au bar là où tout un chacun pouvait vous renverser de l'alcool dessus. Il la laissa passer devant lui avec toute la politesse qu'il se connaissait, et ils se retrouvèrent bientôt assis autour d'une table tranquille dans un coin un peu plus reculé du bar, et où ils pourraient parler tranquillement. La succession d'événements qui avaient mené Thésée ici lui plaisait. C'était un homme qui aimait se laisser surprendre, d'autant plus dans ce genre de soirées où il pouvait faire de belles rencontres, et il espérait que celle-ci en soit une. « Je propose que l'on se tutoie, ce sera plus agréable non ? » Dit l'adjoint au maire avec un sourire tandis qu'ils venaient de s'installer. Prenant une gorgée de la bière qu'il avait commandé, il espéra que la jeune femme aimait ce type de boisson, se rendant compte qu'il avait commandé sans lui demandé ce qu'elle voulait. Etait-ce sexiste de sa part de penser que comme elle était flic, elle aimait la bière parce que c'était une boisson beaucoup consommée dans ce genre de métiers par les policiers qu'il connaissait ? Peut-être un peu, et il se prit à penser qu'elle n'était pas comme les autres, tout en espérant qu'elle ne se forcerait pas à boire quelque chose qu'elle n'aimait pas. 

Bien décidé à se rattraper pour son attitude bagarreuse passée, et pour cette potentielle bourde sur la boisson choisie, le blond passa naturellement une main dans ses cheveux. Il fallait s'intéresser à elle maintenant. Voir une femme de sa carrure être dans la police et avoir une force si grande était assez impressionnant il fallait l'avouer. Alors elle avait attisé sa curiosité. Et puis, Thésée préférait écouter les autres s'épancher sur leur vie, quelle soit professionnelle ou amoureuse, plutôt que d'avoir à parler de la sienne. « Et lorsque tu n'es pas en train d'attraper des méchants bagarreurs dans les bars, que fais-tu Alicia ? » Espérait-il se trouver une amie sportive de haut niveau avec qui pratiquer la course, la boxe, ou tout autre sport qui lui permettait de se défouler. Il fallait dire que l'adjoint au maire passait son temps libre à faire du sport, pour évacuer les accès de colère et de rage qui grondaient en lui. Impossible de savoir pourquoi, mais il avait ces accès depuis des années, et il ne trouvait que le sport pour se calmer. Et lorsqu'il n'en faisait pas assez, et bien, il se retrouvait comme ce soir-là, à s'énerver contre quelqu'un pour un petit rien, et à en venir aux mains très rapidement sans réussir à se désamorcer tout seul. La claque de la voix de la jeune femme l'avait ramené à la réalité, mais de lui-même il ne savait pas comment ni quand il se serait arrêté et cela l'effrayait.
 

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Alicia avait émis un petit rire aux remarques de Thésée. Et cela le détendit. La situation l'amusait quelque peu, de voir cette femme qui quelques instants plus tôt menaçait de le jeter en prison, d'une voix autoritaire et ferme, rigolait désormais à ses touches d'humour avec légèreté. Vraiment, Thésée était plutôt content du tournant que prenait cette fin de journée, et la policière l'intéressait de plus en plus. Qui se cachait derrière cette double personne qu'il venait de voir ? Apprendre à la connaître le titillait de plus en plus, et son instinct lui indiquait, il ne savait trop dire comment, qu'il pouvait faire confiance à cette femme et que cette soirée de rencontre ne serait pas sans lendemain. Le Grec était amusé de la situation, et désormais il était entièrement concentré sur cette femme et sur ce qu'il pourrait découvrir d'elle.

Elle ne lui en appris pas beaucoup plus que ce qu'il savait déjà sur ses passes-temps. Elle venait au bar, comme il le remarquait actuellement, et était une citoyenne plutôt "lambda". Alors comme ça elle n'avait pas une activité favorite ? Un désir étrange et singulier que les autres ne comprenaient pas ? Un sport alambiqué que peu pratiquent et où seuls les initiés comprennent les quelques règles tordues qui s'y appliquent ? Non, elle était : normale. Le blond haussa un sourcil. Il n'y croyait pas. L'aura que dégageait Alicia n'était pas celle d'une personne, normale. Elle avait forcément quelque chose, un secret, un petit péché mignon qui la rendait différente et donnait cet éclat si particulier à son regard. Mais qu'était-ce ? Le tricot, le javelot, la peinture sur céramique ? C'était bien ce qu'il comptait découvrir. Accoudé sur la table qui les séparait, jetant un regard aux cacahuètes qui se trouvaient sur la table avant de prendre une nouvelle gorgée de houblon, Thésée esquissa un petit sourire lorsqu'elle lui demanda ce qu'il faisait dans la vie. Plissant les yeux, il eu une idée qui rendrait cette conversation plus amusante qu'elle aurait pu l'être. « Voilà ce que je te propose. Tu me dis ce que tu penses que je fais, ce que j'aime, et si tu as raison, je te dirai un secret sur moi. » Après tout, si elle travaillait dans la police, elle devait être habituée à devoir lire les gens. Et décortiquer la vie des autres en les regardant, c'était justement l'un des passes-temps préférés de Thésée. Il aimait trouver les impairs dans leur tenue, ou au contraire l'attention particulière portée à une perfection apparente qui cachait en général un trop-plein de quelque chose. Il aimait faire ce jeu sur les autres, et voilà qu'il trouvait en face de lui une personne qui lui semblait capable de jouer et que pour une fois ce soit lui le sujet. Combien de fois il s'était demandé ce que les gens intelligents pensaient de lui à première vue... Il était temps de savoir. « Alors Alicia ? Prête à tenter l'expérience ? »  Elle, lui, qui des deux allait plus s'amuser dans ce petit jeu que proposait Thésée ? Le jeune homme était prêt à parier qu'il s'agissait de lui. Et puis, il était nouveau en ville, il pouvait être n'importe qui, venir de n'importe où, tout était à inventer.

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ft. Alicia Forks

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Thésée avait toujours été le plus intelligent dans la pièce. Sa vie avait été une perpétuelle quête d'un esprit aussi vif que le sien, avec lequel correspondre d'égal à égal. Sa recherche de perfection dans l'intellect l'avait menée à Harvard, mais là encore les élèves n'étaient pas à la hauteur du Grec. Un coup d'oeil, des yeux jetés sur une feuille, sur une scène, sur un lieu, cela lui suffisait pour que ce qui en ressortait soit gravé, du plus évident au détail le plus minime, dans la machine parfaitement huilée qu'était son cerveau. Impossible pourtant de faire le tri. Il pouvait bien reléguer à une partie sombre de sa mémoire les propos insignifiants de certains sms, mais les oublier : jamais. Quel fardeau de se souvenir de la date de spectacle d'un cirque de rue passant dans son quartier à l'âge de sept ans, et dont les panneaux de représentation avaient été placardés dans toute la ville, de savoir du prénom de chaque serveur inscrit sur une plaquette argentée, de connaître pour toujours les ingrédients composants un paquet de sucrerie qu'il n'aimait même pas... Dans sa quête de trouver l'interlocuteur parfait, Thésée avait rencontré de nombreuses personnes. Quelques unes valaient la peine, peu avaient réussi à l'impressionner. Il se demanda si Alicia pouvait faire partie de ses personnes. Ce qui était certain, et qui ne le trompait pas, c'était qu'elle était d'une intelligence rare, et que sa connaissance semblait bien plus ample que ce qu'elle laissait paraître. La jeune femme accepta son petit jeu, ce qui termina de confirmer ce qu'il pensait : elle appréciait réfléchir. L'adjoint au maire avait cessé de boire son verre, ses prunelles brunes plongées dans celle de son interlocutrice avec une avidité qu'il ne se connaissait que trop bien : celle du savoir.

Malgré l'argent qu'il gagnait en travaillant pour l'Etat depuis tant d'années, Thésée n'avait jamais oublié (comment le faire...) d'où il venait. Enfant de la simplicité, il avait joué dans la rue plus que chez lui, n'avait fréquenté en grandissant aucun lieu commun du luxe où s'échangent de belles paroles et des poignées de main assurée. Il était un garçon des quartiers plus simples, sans pour autant avoir eu à souffrir de quoi que ce soit. Issu de l'immigration, il savait que se faire sa place était quelque chose qui se gagnait à la sueur de son front, et il n'aurait pour rien au monde quitté les cafés et les bars qu'il connaissait depuis toujours, pour les troquer contre les clubs luxueux des politiciens véreux. Alors, accoutumé à des pubs plutôt qu'à des clubs, il avait jeté son dévolu sur Le Rousseau ce soir-là. La tenue impeccablement portée de Thésée le trahissait. Son costume de marque et ses chaussures pointues en cuir détonaient, pour ne pas dire tranchaient, avec le décor plutôt simple et populaire du bar dans lequel ils se trouvaient. C'était peut-être ce qui dévoilait, si ce n'est son intelligence, au moins l'importance du poste qu'il pouvait avoir dans cette ville.

La policière lui rétorqua qu'il relevait probablement du domaine du droit. Cela questionna Thésée. Pouvait-on dire que son travail était celui d'un homme de droit ? Il avait fait des études de politique, qui bien évidemment impliquaient des cours de droit. Et connaître son pays et ses lois était le principe même du bon politicien, principe qui était bien trop bafoué par beaucoup d'entre eux à son humble avis. Bon nombre de personnalités politiques se font toujours avoir par les questions des journalistes sur des principes fondamentaux et qu'ils devraient connaître. Mais naviguer dans les hautes sphères de la société déboussolaient parfois les gens, et ils étaient bien trop éloignés du rivage que formait la population pour comprendre comment marcher sur la terre ferme de la société. Il reprit une gorgée de sa bière. « On peut dire en effet que j'ai une formation en droit. » dit-il alors à la demoiselle. Etait-il déçu qu'elle n'en ai pas deviné un peu plus sur lui ? Peut-être un petit peu... Mais il y avait chez elle un magnétisme étrange qui lui faisait dire qu'elle savait plus que ce qu'elle ne lui laissait paraître. Il ne savait pas pourquoi il pensait cela, et cette idée martelant son esprit en venant de nulle part ne lui plaisait pas du tout. « Je suis plutôt ce qu'on appelle avec mépris un homme politique. » Continua-t-il en laissant s'échapper un petit rire. Le Grec savait que son genre n'était pas aimé des habitants, mais en parler sur le ton de la rigolade était le signe du détachement avec lequel le blond prenait toute information. Et puis, les policiers eux aussi étaient sujets d'acerbes remarques. Tout comme les politiques, les forces de l'ordre étaient constamment sujets à des réprimandes, et chaque action était adulée par les uns et honnie par les autres. C'était ainsi que de travailler pour la société.

Recommandant une autre bière, puisqu'il buvait bien rapidement, peut-être trop, habitué à traîner dans les bars le soir, il se redressa posément, réfléchissant intensément à la suite. L'information d'Alicia méritait-elle un secret de sa part ? Son éternel sourire fiché sur son visage amical, il ajouta alors : « Voici mon secret. » et se penchant doucement vers Alicia il parla plus bas à son oreille : « Je n'ai aucune idée de pourquoi on m'a demandé d'être adjoint au maire d'une ville dans laquelle je n'ai jamais vécu. » Se redressant, une lumière intelligente et malicieuse brillait dans son regard. Le blond se posait vraiment la question, ou du moins il essayait de ne pas trop y réfléchir. Car lorsqu'on y pensait trop longtemps, on se rendait compte que cela n'avait aucun sens qu'un parfait étranger soit convié à rejoindre une ville pour en devenir l'un des plus éminents représentants. Pourquoi avait-il fait part de ses questionnements, certes masqués par l'humour mais bien réels, à cette jeune femme ? Une part de lui espérait peut-être que l'esprit acéré d'une policière l'aiderait à y voir plus clair. Et si elle fronçait les sourcils en entendant ses mots, alors il comprendrait que ses craintes étaient fondées, et que son questionnement est bien valable. Scrutant les réactions de la policière, Thésée espérait qu'elle aurait ne serait-ce qu'une piste intelligente sur laquelle se pencher sérieusement à ce propos.

Tension au Rousseau
ft. Alicia Forks

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Lorsque sa deuxième bière arriva, Thésée était encore perdu dans ses pensées. Il se demandait si Alicia était adepte des jeux d'esprit comme il l'était. Les devinettes, les mystères, énigmes... cela lui plaisait au plus haut point. Il se reprit lui-même : évidemment que les policiers aiment les énigmes. Ou plutôt sont-ce les détectives ? Dans quelle mesure un policier recherchait-il la vérité ? N'était-il pas plutôt porteur du droit et s'attelait à le faire respecter ? Cette réflexion philosophique sur la qualité morale du policier et le questionnement sur "doit il chercher à trouver le juste, ou doit il simplement rendre des comptes à ceux qui en méritent", aurait bien pu continuer à accaparer le blond pendant une bonne partie de la soirée. Mais la personne d'Alicia l'intriguait tout autant, et il se dit que peut-être, en étudiant un membre de la police, il pourrait tirer des conclusions sur le genre d'esprit qui les anime.

La jeune femme ne se laissa pas prier pour lui répondre que tous deux partageaient la même difficulté : l'indifférence parfois poussée jusqu'à la haine, de le part des gouvernés dont ils avaient à la fois la charge et le devoir de protéger. Leurs deux métiers consistaient à donner à la population entière un service qui leur était plus que nécessaire, recevant en retour les critiques les plus acerbes, avec la ferme interdiction d'y répondre par la force ou la méchanceté. Globalement ils étaient des sortes d'humains prêts à tout pour les autres, et voués à subir des injures sans rien dire. Vendus comme cela, les métiers du droit ne plairaient certainement à personne. Elle renchérit qu'il était bien dangereux pour sa carrière d'avoir un comportement comme celui qu'avait eu l'adjoint, et il esquissa un demi sourire. Il est vrai qu'il était plutôt stupide de se battre dans un bar, et que sa cotte de popularité aurait pu en prendre un sacré coup si quelqu'un avait filmé la scène et l'avait mise sur les réseaux sociaux. Mais Thésée avait le sang chaud, il n'arrivait pas à se contrôler, et s'il savait que cela lui porterait certainement préjudice un jour, il ne pouvait rien y faire. La violence inhérente qui dormait au fond de lui se réveillait parfois et cherchait à s'exprimer. Voilà pourquoi il faisait tant de sport, espérant chercher dans les épreuves sportives, un exutoire à sa colère. « C'est vrai que ce n'est pas l'idéal tu as raison. » Lui répondit-il en prenant une nouvelle gorgée de son houblon. Cette violence et ce besoin de se défouler, il les avaient depuis longtemps. Depuis toujours même, et les Hawkins étaient tous comme ça. Ils étaient tous virulent, secs, avec un tempérament de feu qu'il fallait apprendre à canaliser. Thésée avait simplement un peu plus de mal que les autres parfois...

Le Grec regardait Alicia en se disant qu'elle était plutôt bienveillante comme personne. S'il avait appris à être sur ses gardes en politique, il lui paraissait plutôt qu'elle n'était que bonté envers lui depuis le début de leur rencontre. Et Thésée donnait sa confiance facilement. En amitié tout du moins. Et si certains auraient tendance à dire que cela constituait un défaut, il n'avait jusqu'alors jamais eu à s'en plaindre. « Oui tu as raison. Et puis le poste était intéressant alors j'ai tout quitté pour venir ici. » Le blond passait sous silence qu'il était bien heureux de quitter, après un an de solitude à se morfondre sur son passé, la maison emplie de souvenirs où il avait été abandonné par son ancienne fiancée. Tout quitter, cela avait simplement signifié démissionner et vendre la maison. Rien de trop compliqué pour un coeur en peine qui ne demande qu'à guérir. Le temps s'était écoulé et Thésée allait mieux, il était prêt à tourner la page. Alors lorsqu'il avait vendu la maison à un couple qui leur ressemblait, il avait été plus heureux que nostalgique.

Clignant des yeux deux fois pour se reconcentrer, il se convainquit qu'Alicia avait raison. On l'avait fait venir ici simplement parce qu'il était doué. C'était tout. Et depuis qu'il avait pris ses fonctions, les choses se passaient plutôt bien pour lui et pour la ville. Pour autant qu'il sache, les choses fonctionnaient ainsi. « Et toi ? Es-tu ici depuis toujours ? Ou es-tu le fruit d'un voyage comme moi ? » Lui répondit-il ainsi. Cela lui permettrait d'en savoir un peu plus sur elle, de connaître son passé, les villes où elle avait pu évoluer et vivre, et qui sait, peut-être qu'ils avaient été voisins dans une autre ville sans s'en rendre compte ? Relâchant la pression de la journée, et bien décidé à n'être concentré que sur cette amitié naissante, Thésée ferma à clef la porte qui menait aux histoires sombres de son passé.

Tension au Rousseau
ft. Alicia Forks

I’m not doing this because I want to beat someone, because I hate someone, or because I want to blame someone. I do what I do because it’s right! Oh wait... actually... I do what I do because it is mean and I hate everyone.

Les personnes qui entouraient Thésée ne comprenaient pas toujours pourquoi il avait choisi de faire de la politique. Au fond de lui c'était certainement l'hybridité de sa nationalité qui lui avait apporté tant de choses. Le fait de connaître deux pays, deux cultures, deux façons de vivre, avait influencé sa façon de penser et il voulait se sentir pleinement impliqué dans les lieux où il vivait. Pour cela, seule la politique lui avait semblé correspondre à ce qu'il recherchait. Thésée n'était pas avide de pouvoir, il ne recherchait pas le profit pour se faire de l'argent. Et s'il était aisé, il n'en laissait rien paraître. Il était tout de même propre sur lui en chaque circonstance, mais ne dépensait pas de sommes astronomiques en vêtements ou en activités. C'était un homme simple, qui cherchait dans la politique le moyen d'aider ses concitoyens et de leur permettre une juste vie communautaire. Rares étaient encore les politiciens qui avançaient dans leur vie avec de telles ambitions. La plupart se servaient de leur positions pour leurs propres fins. Lui n'y avait jamais pensé, et aurait été horrifié d'apprendre qu'on puisse le soupçonner de telles choses. Si l'intégrité était peut-être sa principale qualité, il savait qu'il fallait rester sur ses gardes et ne pas appliquer aux autres cette règle qu'il avait pour lui. Alors lorsqu'Alicia lui parla de saisir une opportunité, ce furent les pensées qui vinrent à son esprit. Tant d'entre eux étaient prêts, en politique ou non, à atteindre leurs buts à n'importe quel prix. Mais le Grec avait la pensée, naïve peut être, que les hommes étaient majoritairement honnêtes. Cela relevait plus de l'espoir que de la certitude, mais il aimait s'y accrocher.

Les yeux plongés dans ceux d'Alicia, Thésée réfléchissait. Et dans ce cerveau en apparence si banal, les neurones s'agitaient bien plus vite, enregistrant tous les détails et les particularités des gens, de leur attitude au timbre de leur voix, en passant par les miettes de biscuits encore accrochées à l'emmanchure de leur veste. Ainsi l'attitude d'Alicia toute entière traduisait la rigueur qui était si caractéristique aux policiers. Elle jetait de temps à autre des petits coups d'oeil autour des lieux, scannant la pièce à la recherche d'une potentielle anormalité. Il n'était pas hasardeux, a posteriori, de comprendre la rapidité avec laquelle elle avait dégainé pour se retrouver au milieu des deux bagarreurs. Sa vue était constamment en alerte, et il imagina non sans peine que lorsqu'elle l'écoutait, une autre oreille était disponible afin de réagir au moindre bruit anormal. « Il n'y avait pas assez de délinquants à mettre derrière les barreaux là-bas ? » Répondit-il en souriant. Lui aussi avait connu le calme et la tranquillité d'une petite ville, mais ici la policière ne devait pas s'ennuyer dans son travail. Avait-elle choisi de fuir un quotidien trop calme pour la ville mouvementée ? A l'inverse de toutes ces personnes qui s'échappent au vert pour se ressourcer ? La perspective de chercher le chaos lui sembla intéressante, et il se dit que la blonde était belle et bien une femme d'action.

Quelque part il était content qu'elle lui dise qu'elle ne venait pas de cette ville. Sa présence lui parut sympathique, presque rassurante. Le blond se sentait souvent seul, déraciné, et il savoir qu'elle venait d'ailleurs lui rappela qu'il n'était pas le seul à devoir se réapproprier un lieu pour en venir à l'appeler "chez soi". Pour l'instant il n'y parvenait pas, et chez lui n'était nulle part. Ce n'était pas cette froide maison aux souvenirs tristes qu'il avait quitté sans se retourner, ni cet appartement aux couleurs chaudes dans lequel il était encore en train de déballer des cartons. Il se surprit à penser qu'il n'avait pas de chez lui, pas pour l'instant. Sa Grèce natale était trop loin, et il eu un pincement au cœur en pensant à ces belles côtes orangées qui épousent le soleil mourant en fin de journée. « Tu as de la famille qui y vit encore ? » Son verre se vidant peu à peu, Thésée sentit la nostalgie monter à son esprit. Sa famille avait été tout pour lui, et elle lui manquait. Mais le vrai bonheur de sa vie, il en était certain, était encore à venir. Il espérait le trouver ici, dans cette ville aux allures si atypiques et qui semblait renfermer plus de secrets que de vérités dévoilées.

Tension au Rousseau
ft. Alicia Forks

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Analyser les gens était le passe-temps préféré de Thésée, et le jeune homme était servi toute la journée puisque jauger les caractères faisait partie de son métier. Il était important de savoir dès le premier coup d'oeil comment aborder une personne, quels mots utiliser pour les amener à accepter une proposition... Il fallait être un bon juge de caractère finalement. Et le Grec considérait l'être. Alors quand Alicia parla de faire table rase du passé, couplé à la mélancolique ambiance qui régnait, il ne fut pas difficile de comprendre qu'elle aussi avait vécu quelque chose dont elle ne voulait, sinon ne plus se souvenir, au moins laisser derrière elle. Pris dans ses propres souvenirs, il avait parlé d'un sujet sensible : la famille. Evidemment quand on veut faire table rase c'est que tout ne s'est pas bien passé... Il vit la grimace que fit la blonde en face de lui, et elle n'augura rien de bon pour la phrase qui s'ensuivit. Il ressentit dans la phrase de la policière ce désarroi dans lequel on se retrouve quand nous n'avons plus personne. Rien ne la retenait... Avait-elle été abandonnée ? Comme lui par sa fiancée qui avait disparu du jour au lendemain. Ou avait-elle perdu quelqu'un ? Il ne savait pas ce qu'il aurait pu lui souhaiter de mieux, car chacun des cas de figure amenait à une solitude profonde. « Je comprends bien ce sentiment... » Lui répondit-il alors dans un demi-sourire consolateur et en levant sa bière un petit peu comme pour dire *moi aussi je suis passé par là*. Thésée n'était pas malheureux, il ne l'était plus. Mais il avait passé des semaines et des mois de douleur suite à la perte d'Angelina, et il ne souhaitait à personne de se trouver dans une situation sentimentale similaire.

Elle clôtura le sujet de sa famille en ne s'épanchant pas plus que cela sur la porte qu'avait ouverte Thésée à cette conversation, et le blond nota qu'il ne fallait pas jouer sur cette corde sensible. Il se questionna sur Alicia : était-elle seule dans cette ville ? Ou avait-elle des gens avec qui passer du temps, quelqu'un qui l'attendait le soir et lui préparait un dîner ? A en juger sa présence dans un bar à cette heure-ci il en doutait. Un soir de semaine, personne ne sortait s'il était attendu à la maison. Les gens avaient plutôt tendance à courir chez eux dès la porte du travail claquée, afin de retrouver les êtres aimés. Elle ne semblait pas dans cette situation. Ses pensées se reportèrent sur la question posée par la jeune femme. D'où était-il ? De partout et de nulle part. En Amérique, Thésée n'était chez lui nul part, car il ne venait pas d'ici. Et quand il rentrait en Grèce, on le trouvait trop souvent bien américanisé. Difficile donc d'être de deux endroits quand partout on vous considère d'ailleurs. Il sourit en finissant son second verre, descendant ses bières bien plus vite que ce qu'il aurait imaginé. Levant la main il commanda une planche de tapas espérant que les petites choses à grignoter donneraient à ce verre une tournure de repas improvisé. « J'ai grandi entre la Grèce et les Etats-Unis. Je me considère un peu de ces deux endroits, et lorsque je suis trop longtemps dans un de ces pays, l'autre me manque. » Il se renversa dans son fauteuil pour s'appuyer sur le dossier avec un sourire. C'était drôle comme on pouvait s'attacher à un endroit sans en avoir des racines à l'origine. Comme quoi l'homme n'était pas que de nature mais aussi bien de culture. La preuve en était les litres de bière que le Grec était en train de se descendre. Les petites chips et autres wings de poulet arrivèrent bien trop rapidement et il nota intérieurement de ne plus en commander car ils étaient certainement surgelés pour être servis si rapidement. En attrapant tout de même un entre ses doigts, il dit avant de croquer dedans avidement : « En tous cas je compte sur toi pour m'aider à faire baisser la criminalité bien trop élevée de cette ville ! » Il dit cela mi-sérieux, mi-souriant, mais en réalité il était loin d'imaginer tout ce qui se tramait dans les recoins de La Nouvelle Orléans. Hypnotisé par un vampire, le politicien n'avait pas encore découvert les créatures et leur penchant parfois trop prononcé pour le sang et les cadavres.

Tension au Rousseau
ft. Alicia Forks

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Les petits tapas descendaient bien plus vite que prévu dans l'estomacs de nos deux représentants de la loi. Thésée trouva le tableau intéressant et avec une pointe d'humour : un homme politique et une femme flic prennent au bar mal famé du coin, une bière en fin de journée... Qu'aurait on dit en les voyant... Loin d'être ivres tant l'un que l'autre, ils laissaient pourtant derrière eux une belle traînée de cadavres de bouteilles et autres verres vides. Ce n'était pas vraiment l'idée qu'on se faisait des représentants de la loi dans une ville. Le Grec souriait, il n'aurait jamais pensé passer une si bonne soirée en sortant du boulot ce soir-là, encore moins avec une inconnue qui l'avait tout d'abord séparé d'une rixe dans laquelle il s'était précipité un peu trop rapidement à son goût. Il repensa à cela : elle ne lui avait plus posé aucune question sur ce tempérament changeant, et lui-même n'aurait d'ailleurs u donner aucun élément de réponse valable. Il ne savait qu'une chose : il avait toujours été comme ça.

Elle lui parla de voyager facilement, et des moyens de transports merveilleux qui permettaient de se déplacer si rapidement. Il est vrai que joindre la Grèce aux Etats-Unis n'était pas chose aisée quelques siècles plus tôt, et représentaient pour bon nombre de ceux qui l'avaient fait, le trajet, que dire, l'exode, de toute une vie. Rares étaient ceux qui une fois arrivés aux Etats-Unis repartaient dans ces pays qu'ils avaient quitté espérant trouver sur ce nouveau sol une sorte d'Eldorado. Il se dit qu'elle avait raison, et qu'il devrait s'estimer heureux de pouvoir aller de l'un à l'autre comme bon lui semblait grâce à la merveille technique qu'était l'avion. L'homme avait réalisé au cours de l'humanité de nombreuses prouesses, mais l'avion était selon Thésée l'un des signes les plus forts de l'excellence du cerveau humain. « Heureusement ma famille vit désormais quasiment exclusivement aux Etats-Unis, en tous cas mes parents. Je ne rentre en Grèce que rarement pour voir ma famille plus élargie, mais nous ne sommes pas si nombreux. » Le blond avait bien quelques cousins qui y vivaient encore, et un frère qui était retourné sur place depuis un ou deux ans, mais la plupart des membres de sa famille proche vivait aux Etats-Unis, dispersés dans des villes plus ou moins grandes. Le jeune homme n'était pas suffisamment sentimental pour se sentir mal en étant éloigné de sa famille. Les voir une fois ou deux dans l'année, et se savoir à proximité en cas de coup dur suffisait à son bonheur.

Alicia évoqua la dangerosité du métier qu'ils exerçaient l'un l'autre, et les risques qui pouvaient être encourus face à un tel emploi. Evidemment pour les policiers on comprenait rapidement pourquoi le métier pouvait comporter des risques. Mais pour les hommes politiques, ce n'était pas d'abord cela qui sautait aux yeux comme aspect négatif. On pensait plutôt incapacité à avoir une vie privée, et savoir être prêt à ce que toute sa vie soit déballée dans les médias. Mais la policière avait raison, eux aussi étaient en danger, et l'assassinat du maire en était la preuve. Nul besoin de comprendre qu'il avait été assassiné certainement pour des raisons politiques, car on avait beau avoir fouillé son passé, rien d'anormal était venu assombrir le tableau. « Je ne sais pas ce qui est arrivé à l'ancien maire, mais je n'aimerais certainement pas finir dans le même état. » L'adjoint avait parlé un peu plus bas, pour éviter que des oreilles indiscrètes n'écoute sa conversation avec la policière. Il ne savait rien d'Alicia, et pourtant il lui faisait étrangement suffisamment confiance pour aller sur ce terrain politiquement glissant avec elle. Après tout, il avait tout du parfait suspect : le maire disparaît dans d'étranges conditions. A qui profite le crime ? Son adjoint, qui est promu immédiatement maire, et ce jeune Grec qui vient le rejoindre pour devenir le nouvel adjoint. Evidemment il avait été questionné par la police, et certains pouvaient avoir encore des suspicions sur lui. Mais Thésée n'était pas méchant, et n'avait rien à cacher, alors on l'avait vite écarté de l'affaire. « Quand je pense que certains parlent d'attaque de vampire ! Je me dis qu'on est vraiment tombés sur la tête ! » Dit-il en riant franchement face à l'absurdité d'une telle remarque. On lui faisait tourner les oreilles avec cette histoire de créatures surnaturelles dans cette ville: bien évidemment que cela ne pouvait pas être cela. Ca n'existait tout bonnement pas ces choses-là !