En ce moment peu de choses tournaient normalement dans la vie de Malia. Un matin une partie de ses souvenirs s'étaient évaporés et beaucoup de choses avaient changées. Le fait de chercher activement sa mère, la louve du désert, lui prenait un temps fou. Oh elle ne la cherchait pas en vue de merveilleuses retrouvailles familiales bercées de mélancolie et de larmes non, elle cherchait à retrouver sa "mère" pour la tuer. Mère était un mot trop fort pour elle, la vraie mère de Malia était morte ce soir-là il y a des années. Cette autre femme qui lui avait donné la vie n'était pour la coyote rien d'autre qu'une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, quelqu'un qui cherchait à la tuer: il fallait éliminer la menace. Et depuis quelque temps elle semblait être à la recherche active de cette génitrice maléfique. Malia avait eu un rendez-vous avec une femme qui lui avait donné des informations quelques jours plus tôt, et ruminait ce qu'elle savait désormais c'est-à-dire pas grand chose. Son choix de retrouver sa mère n'avait pas plu à Scott parce qu'elle s'était sensiblement éloignée de la meute, et elle était souvent énervée contre son alpha en ce moment. En résumé Malia était seule, dans ses recherches et dans sa vie, en marge de sa meute, et en froid avec les gens qu'elle aimaient. Et c'était bien la première fois, depuis qu'elle était arrivée à la Nouvelles-Orléans, qu'elle ne se sentait pas très bien et qu'elle aurait voulu rentrer chez elle, retrouver son père et vivre un peu au calme éloignée de tout cela.

Elle en était à réfléchir à tout cela, sur le chemin pour rentrer chez elle après un service de nuit au Gévaudan, lorsque son ouïe la prévint que des pas rapides se rapprochaient d'elle, plusieurs dans la rue mais aussi un qui semblait venir du toit des immeubles bas. Son odorat ne la trompa pas, il s'agissait de vampires. C'étaient des êtres qu'elle n'appréciait guère, peut-être car elle les connaissait peu, mais l'idée même de revenir de la mort répugnait la jeune femme. Elle ne les jugeait pas pour boire du sang, ça non, elle qui avait vécu de chasse pendant des années, elle comprenait les instincts animaux que les créatures qu'ils étaient subissaient. Mais cette proximité si étroite à la mort la faisait frissonner. Elle tourna dans une ruelle pour quitter les rues passantes et animées du centre : ce n'était peut-être pas elle qu'ils suivaient. Mais ils tournèrent aussi, et en quelques instants elle se retrouva entourée de trois d'entre eux. A leur allure et leurs regards elle devina rapidement qu'ils n'étaient pas là pour discuter. Ses yeux virèrent du brun à un bleu lumineux, ses dents devinrent crocs et ses ongles s'allongèrent en d'épaisses griffes. Malia avait besoin de se défouler : s'ils voulaient se battre ils allaient être servis. Seule contre trois, les chances n'étaient pas de son côté, mais Malia n'avait jamais été une grande calculatrice et lors des combats, elle fonçait dans le tas et mordait ce qu'elle pouvait, d'autant qu'elle avait appris qu'une morsure de sa part condamnait un vampire.

La coyote était en train de s'élancer sur l'un d'eux lorsqu'une quatrième silhouette apparut dans le paysage. L'espace d'un instant elle crut qu'il serait contre elle et que ce serait perdu, mais elle reconnut rapidement l'éclat rouge de l'oeil d'un alpha. La seconde suivante, entre deux coups de griffes, elle détermina à qui était cette carrure trapue et puissante qui venait à son secours. Elle eu espéré qu'il s'agisse de Scott, mais c'était bel et bien un autre alpha qu'elle connaissait (trop) bien, qui venait lui prêter main forte. Il s'agissait de Peter Hale, qui n'était autre que son "père". Encore un parent qui n'en était pas un pour Malia qui refusait toujours de le considérer comme son père ou même d'être appelée Malia Hale. L'heure n'en était pas à la réflexion, et elle continua de se défendre contre ses assaillants avec la férocité qu'elle se savait avoir. Aidée de Peter, ils mirent en fuite les trois vampires, dont un qui n'aurait probablement plus le temps de s'en prendre à d'autres gens... Une fois qu'ils eurent décampés, le visage de Malia repris une apparence plus normale, malgré les quelques éclaboussures de sang sur ses vêtements et une morsure douloureuse au niveau de l'avant-bras, qu'elle s'empressa de glisser derrière son dos. Elle croisa le regard de Peter. La jeune femme avait toujours du mal à se retrouver seule avec lui, et était souvent mal à l'aise car elle sentait bien qu'il aurait voulu qu'ils se rapprochent, tandis qu'elle le haïssait pour ce qu'il était et ce qu'il lui avait fait. Malgré ce sentiment, elle sentait au fond d'elle un profond attachement, qu'elle n'aurait jamais avoué, pour cet homme.


Lâcha-t-elle sèchement à l'intention de l'alpha. Elle ne savait d'ailleurs pas très bien comment Peter était revenu à ce statut d'alpha, mais quand elle avait appris la nouvelle, cela avait confirmé ses pensées : il était un homme avide de pouvoir plus que de toute autre chose... Quoi qu'il en fut, jamais elle n'avouerait qu'elle avait bien eu besoin de lui ce soir-là.

Ils firent fuir les vampires, qui clairement n'allaient pas vivre longtemps pour une partie d'entre eux, ensemble. Cela était toujours étrange pour Malia de se retrouver à parler de Peter et elle comme d'un "nous", d'une unité. Ils avaient toujours été ennemis plus qu'alliés, même si leur relation était étrange, et parfois à sens unique. Malgré leur passif, elle sentait bien que Peter essayait de se rattraper d'années d'une paternité qui lui avait finalement été volée plus qu'autre chose. Mais l'amour est plus fort que le sang. Malia était une Tate jusqu'au bout de ses ongles, là où elle n'était Hale que par les griffes. Rien ne les liait si ce n'est le sang.


Elle planta son regard dans celui de Peter. Les mots froids et cinglants de Malia s'étaient heurtés à une forme de sincérité presque douce de la part de son géniteur. L'alpha était comme une main tendue vers sa fille, qui continuait, inlassablement, de le repousser. En même temps qui pourrait lui en vouloir ? Elle ne savait de Peter que des horreurs, lui qui avait tué Laura Hale pour accéder au statut d'alpha, qui avait mordu Scott pour qu'il devienne un des leurs... et il lui avait montré ses mêmes défauts qu'elle lui reprochait. Peter était un calculateur, manipulateur. Comment savoir si ses intentions envers elle étaient pures et vraies ? Comment savoir s'il n'essayait pas simplement de l'attirer dans une zone de confiance pour mieux la trahir ? Pire encore pour qu'elle trahisse ses plus proches amis ? Peter était l'ennemi de Scott, alors Malia était l'ennemie de Peter. Cela était ainsi.


Malia esquissa un sourire ironique. Dahlia était le cadet de ses soucis. Certes elle avait forcé la révélation du monde surnaturel aux humains, provoqué des bains de sang... Les rues étaient certes moins sures car plus d'humains étaient au courant, ce qui signifiait plus de peur et plus de chasseurs. Mais Malia n'était pas du genre à être effrayée par ce genres de choses. Ses premières considérations étaient le fait qu'elle avait complètement oublié six mois de sa vie, et qu'elle avait déjà suffisamment peu vécu sous forme humaine pour en oublier une partie ! Et cela était sans compter sur le fait que son problème numéro un était de retrouver et de tuer la Louve du Désert. Malia regarda le loup commencer à tourner les talons pour s'éloigner d'elle. Mais pour une fois qu'ils se croisaient, pourquoi ne pas essayer de lui soutirer des informations, à défaut de le comprendre.


La coyote ne connaissait pas en profondeur Peter, mais ce qu'elle savait c'était qu'il était assoiffé de pouvoir, et s'il avait réussi, par un moyen qu'elle ne voulait pas connaître, à récupérer ce statut d'alpha qui l'intéressait tant, Malia avait bien compris qu'il n'était pas du genre à s'arrêter là. Peter avait tranché la gorge de sa propre famille pour du pouvoir, il n'avait ni honneur ni courage lorsqu'il s'agissait de sauver sa peau ou de se rendre plus fort. Quelle était sa prochaine cible ? Que convoitait-il désormais ? Et surtout : pourquoi ? Tout autant de questions qui fusaient dans l'esprit de Malia et qui demeuraient toujours: sans réponse. Ce soir-là était-il un soir où Malia essayerait de comprendre son père ? Probablement. Ce qu'elle espérait au fond d'elle ? Elle ne le savait même pas.

Malia regardait son père dans la pénombre de la ruelle. Tout chez l'un différait chez l'autre. Peter était plutôt petit et trapu, ses yeux brillaient du rouge des alphas et étincelaient d'une soif de grandeur. Malia était tout l'inverse de son père, grande, élancée, elle avait souvent dans le regard une note d'incompréhension parce qu'elle était, on ne va pas se mentir, souvent larguée par ce qui se passait autour d'elle.


A cette phrase, Malia haussa un sourcil face aux paroles virulentes de son géniteur. Elle ne connaissait rien de lui ? Elle savait pourtant bien qu'il était sa fille, mais semblait s'en contrefaire royalement. Malia grogna. Elle était bien capable de se faire sa propre opinion des choses, mais son père ne lui avait jamais montré qu'il pouvait en être un. Il n'avait jamais été là pour elle. Il l'avait laissée à son abandon, et maintenant que la Louve du Désert  était de nouveau en chasse pour tuer sa fille, Peter n'était même pas au courant alors il ne serait sûrement pas là pour la protéger.

« Cette sorcière sacrifiait des gens alors je me suis occupé d'elle. Klaus Mikaelson n'a jamais bien traité les loups garous qu'il a sacrifié en masse pour se faire une armée d'hybride sans que ça ne fonctionne. Dahlia massacre allégrement des vampires, sorcières, lycans et j'en passe et c'est toujours moi le monstre. J'ai tout fait pour que les loups garous ne soient plus jamais traités comme nous l'avons été par les Argent. Mais soit si tu veux faire de moi le vilain de ton monde en noir et blanc je le serais.»

Là il allait trop loin. Malia n'avait jamais dit que toutes ces personnes étaient bonnes. Au contraire... Tous étaient mauvais, et Malia voyaient dans les Mikaelson des gens à la limite de la démence, sans parler de Dahlia qui était clairement le mal incarné. Peter n'était pas le seul à apparaître dans la ligne des méchants dans l'esprit de sa fille. Cependant la chose était là : pour elle, il n'avait pas besoin de massacrer des créatures par centaines (même s'il ne semblait avoir aucun mal à tuer), pour être mauvais. Il avait simplement toujours été contre elle, contre sa meute, contre son alpha. Avaient-ils un jour été une famille ? Jamais. Au fond d'elle Malia souffrait grandement d'être reliée à cet homme si violent et insensible. Elle aurait aimé qu'ils puissent être, sinon une famille, au moins des amis ou des alliés. Mais la haine toujours grandissante entre Peter et Scott avait toujours mis Malia dans une position de choix et de sacrifice. Sa fidélité était mise à rude épreuve et elle était toujours restée aux côtés de Scott, n'essayant même pas de tisser un lien avec son père car c'était plus simple de le détester.


Il y avait dans sa voix le reproche de la mort de sa cousine Laura, dont elle n'avait jamais rien su autre qu'elle était l'alpha des Hale avant même de se faire tuer par Peter qui avait récupéré son pouvoir d'alpha. Malia ne savait pas dans quoi elle s'aventurait en rouvrant ses questions auprès de Peter, ce qu'elle voulait pourtant, alors qu'il détournait les talons une nouvelle fois, c'était essayer de le comprendre, et de lui faire comprendre, pourquoi ils n'étaient pas en bons termes.


Avec ses paroles un peu plus douces Malia laissait transparaître la douleur de ne pas arriver à trouver sa place dans ce monde. C'était presque une demande de la part de son père. Elle portait le nom des Tate, qui l'avait élevée et aimée. Mais aux yeux de tous à La Nouvelle Orléans elle était une Hale, et pour ceux qui la savaient fille de Peter, elle pouvait questionner. Comment relever de cette grande famille à laquelle elle appartenait sans jamais en avoir vraiment fait partie ? Comment être la cousine de Cora quand son père avait assassiné sa soeur ? Comment se défaire de ce lien qu'une partie d'elle chérissait tout de même, elle qui désespérait de se sentir bien dans ce monde ? Elle regardait son père qui une fois de plus était en train de lui tourner le dos pour partir. Pourquoi partir alors qu'ils discutaient ? Fuyait-il la discussion une fois de plus ? Tant de questions auxquelles Malia n'avait jamais de réponse.

Le regard plongé dans celui de Peter, Malia réfléchissait à la vie qu'elle aurait pu avoir s'il l'avait éduqué. Serait-elle morte, comme tous les autres dans le manoir Hale ? Ou aurait-elle survécu comme les enfants de Talia car elle aurait été à l'école ? Aurait-elle échangé un drame pour un autre ? Avait-elle été condamnée dès la naissance à se frayer un chemin entre une mère meurtrière, un passé lourd de morts et une perspective de renaissance tout aussi violente dans une autre famille ? A cet instant, elle se demanda si vivre dans l'ignorance du surnaturel n'était pas un cadeau finalement.

Son attention se reporta bien rapidement sur Peter. Celui-ci revenait sur le tragique incendie du manoir Hale, qui ne l'avait d'ailleurs pas épargné. Oui elle savait que les Argent étaient derrière tout ça, en la personne de Kate, une chasseuse violente et sans pitié pour les créatures. Ses amis lui disaient qu'Allison n'était pas comme sa tante, mais Malia restait sur ses gardes. Déjà qu'elle était revenue d'entre les morts, et que sa famille avait décimé la sienne... La coyote n'oubliait pas, et elle savait qu'elle devait faire attention à cette famille. Peter avait raison de dire qu'ils étaient ceux qui les blessaient. Mais la vengeance, était-ce réellement la réponse que les lycanthropes voulaient donner ? Voulaient-ils passer pour des hommes assoiffés par la vendetta ? C'était un chemin sinueux et dangereux, et de ce qu'elle savait de Talia, Malia savait que cette dernière avait choisi de ne pas emprunter ce chemin, là où d'autres avaient foncé dedans tête baissée. Le pacifisme n'avait pas si bien réussi à celle que tous considéraient comme une grande louve... Pouvait-on réellement blâmer Peter après tout ce qu'il avait vu et vécu, de vouloir venger sa famille ?

« Sauf que j'étais prisonnier de mon propre corps. Alors j'ai dû faire un sacrifice, si tu penses que c'était facile tu te trompes lourdement. Dès que j'ai eu assez de pouvoir ici j'ai exigé aux sorcières qu'on me la rende. Elle a d'ailleurs rejoint mes rangs. »

La coyote regarda son père avec un air quelque peu étonné. Etait-il en train de la manipuler ? Laura était-elle réellement pour lui un grand sacrifice ? Ou avait-il recherché le pouvoir pour lui-même... Et qu'entendait-il par rendu ? A l'entendre parler, il suggérait qu'elle était revenue à la vie, comme Allison, et qu'elle avait rejoint sa meute. Elle tripota nerveusement le bord de sa veste. Ce n'était pas une information qu'elle avait en stock. Peter avait peut être raison, peut-être ne savait elle pas suffisamment de choses. Malia se détesta en cet instant et se trouva vraiment naïve et stupide. Elle n'était pas la plus intelligente de son groupe mais elle pensait qu'on lui disait tout. Et pourtant, il semblerait qu'elle ne savait que très peu de choses...

« J'aurais aimé faire tellement plus pour toi, être un véritable père. Talia ma propre soeur a usé de son pouvoir d'alpha pour me retirer mes souvenirs. Sans l'intervention de Lydia je n'aurais jamais rien sû. »

C'était le coup de grâce pour Malia. Qu'est ce qu'il lui racontait encore ? Tachant de ne rien laisser paraître, elle se dit qu'il faudrait qu'elle en discute avec Lydia, puisque ce dernier lui en parlait. Aurait-il oublié qu'il avait une fille ? Pourquoi sa soeur lui aurait-elle infligé une telle chose ? Les mots de Peter résonnèrent au fond du coeur de Malia, mais quelque chose sonna comme faux. Evidemment elle n'avait pas confiance en lui, et il était difficile à croire, quand bien même il dirait la vérité. Et puis elle avait un père. Il s'appelait Henry Tate et vivait dans un ranch dans la réserve de Beacon Hill, seul.

« Qu'est ce que tu racontes ? A propos de Laura, et de tes souvenirs. Je ne comprends rien. Pourquoi Talia aurait-elle fait ça ? »

Malia refusait de croire que sa tante ai fait délibérément du mal à son frère. S'il disait la vérité, il devait y avoir une explication rationnelle et plausible à cela, et si Peter la connaissait, Malia voulait qu'il la lui révèle. Tout ce qu'elle savait de l'alpha décédée était qu'elle était pacifique et juste, reconnue parmi les loups comme une grande meneuse. La coyote ne la pensait pas capable de quelque chose d'aussi cruel. Debout au milieu de la rue, Malia regardait son père et sentait bien que quelque chose de plus grand l'animait : il voulait vraiment être un père pour elle.

« Si tu dis vrai, que tu veux vraiment être un père. Aide-moi. Je traque la Louve du Désert. Pour la tuer »

Elle avait lâché cette dernière phrase comme une sentence. Pourquoi se dévoilait-elle autant à Peter, elle qui n'avait parlé de cela à personne ? Elle ne savait pas trop. Etrangement elle sentait qu'il ne la réfrénerait pas dans cette envie de meurtre, contrairement à sa meute qui lui dirait que ce n'était pas la solution. La coyote doutait que son père soit attaché à sa génitrice, et très clairement, il venait de lui parler de vengeance, alors au moins sur ce point là ils pouvaient être du même côté. Une vengeance commune serait-elle le moyen de découvrir Peter sous un autre angle ? De créer un lien entre un père et sa fille ? Et pourquoi pas finalement ? Le sang de Peter coulait dans ses veines, et Malia voyait bien que son côté animal et vengeur pouvait venir de là. Au milieu de cette meute qui ne la comprenait pas, devrait-elle se tourner vers celui qui semblait leur ennemi pour parvenir à ses fins ?

Debout dans cette sombre allée, ayant survécu tant bien que mal à cette attaque de vampires, race dont elle ne connaissait encore que très peu de choses, Malia voyait ses multiples certitudes être ébranlées. Peter était le méchant dans son décor, il avait fait du mal aux siens : tué sa nièce, détruit sa famille, voulu les tuer eux aussi... Jusqu'à ce qu'elle apprenne qu'il était son père. Mais un père, pouvait-il réellement l'être ? Au-delà de toute l'ignominie dont il avait su faire preuve, Peter Hale avait-il un coeur aimant ? Il semblait tout faire pour montrer à sa fille qu'il méritait, si ce n'est son amour, au moins son respect. Elle écoutait son géniteur essayer de se justifier, et étrangement certaines de ses paroles résonnaient comme justes et véritables dans le coeur bouleversé de la jeune coyote.

Il lui parla du grand pouvoir des alphas, qui pouvaient retirer des souvenirs à des êtres par la force de leur griffes. Ces loups étaient-ils si puissants que cela ? Etait-ce pour ce genre de capacité que les gens s'arrachaient ce statut et qu'il ne pouvait être, sinon mérité, seulement volé ? Mais Talia. La grande Talia. Pourquoi se serait-elle résolu à quelque chose de si bas, de si petit, que de priver un père de sa fille ? Qui plus est son propre frère ? Quelque chose ne collait pas. Quand bien même La Louve du Désert n'était pas le plus bel exemple de maternité qu'il puisse exister, la jeune Hale aurait pu grandir au milieu des siens, élevée par son père, par l'alpha qu'était sa tante... Elle laissa ce nom en suspend dans son esprit. Elle était Malia Tate, pas Malia Hale. Alors pourquoi était-elle si touchée par tout ce qui touchait de près ou de loin à cette famille qui n'était sienne que de loin. Evidemment le seul point important dans cette histoire de souvenir : les motivations de Talia, Peter les ignorait. Et cela ne participait pas de son innocence. Remettre la faute sur un mort : pratique les morts ne peuvent pas s'exprimer. Ou peut-être que si ? Dans ce monde où les sorcières pouvaient ramener les gens à la vie, invoquer un fantôme ne serait-il pas faisable ? Malia garda cette idée dans un coin de sa tête.

Elle l'écouta ensuite lui parler de Laura. Cette cousine revenue à la vie sous l'égide de Peter, celui-là même qui l'avait tuée quelques années plus tôt. Bien facile de se faire excuser en disant qu'il l'avait ramenée à la vie. Il l'avait tuée à un moment où il ne savait pas que cela serait possible... Il lui avait pris son pouvoir d'alpha, dérobé à quelqu'un qui lui faisait confiance. Facile de planter un couteau dans le dos de quelqu'un qui vous a ouvert les bras... Comment pouvait-on tuer sa propre famille ? Entre sa génitrice qui cherchait à la tuer et son père qui avait tué sa propre nièce, la coyote se trouvait dans une famille de tueurs. Et elle ? Que pouvait-elle dire de cela ? Elle était comme eux finalement. Elle avait tué sa mère et sa soeur... bien malgré elle, comme une malédiction héritée de ses deux parents biologiques.

« On a toujours le choix. Rien ne t'obligeais à la tuer. Tu as convoité son pouvoir pour toi-même. »

La jeune femme avait beau écouter son père biologique, et le croire pour partie, elle n'était pas prête à tout lui céder et à tout accepter parce qu'il le lui disait. Il avait toujours été le plus manipulateur des gens qu'elle connaissait, et il ne fallait pas se voiler la face : il pouvait tout à fait user de leur lien familial pour essayer de l'attraper elle aussi dans les filets de sa manipulation. Un sourire étira le visage de Peter, et Malia ne s'aperçut pas qu'il entrevoyait un moyen de ramener sa fille à sa cause et peut-être même à sa meute.

« Tu sais que ta meute va désapprouver, ce précieux Scott McCall ne te laissera pas faire. Pourtant il était partant pour m'égorger quand il pensait que me tuer le rendrait humain. »

Malia n'était pas bête. Elle savait que Scott désapprouvait son désir de vengeance. Elle savait bien qu'elle ne pouvait pas parler avec lui de sa traque, car il l'en empêcherait coûte que coûte. Alors depuis le début de ses recherches, Malia faisait cela dans le dos du loup-garou. Malia fronça les sourcils. Scott était contre le fait de tuer les autres, elle était grandement étonnée de croire que ce dernier ai voulu tuer Peter. Il serait devenu un alpha lui aussi, mais par un moyen bien plus violent que  le statut de véritable alpha qu'il avait obtenu en devenant un exemple d'intégrité. Mais faire partie de la meute d'un tel alpha ne correspondait pas toujours à la jeune coyote. Après avoir vécu tant d'années seule, dans la forêt, sous la forme d'un animal, Malia n'était pas habituée à la vie de meute. Et prendre ses décisions seules, elle savait le faire. Alors il fallait comprendre que quand bien même elle répondrait à l'appel de son ami, elle savait également faire cavalier seul, et ce n'était pas lui qui allait l'empêcher de retrouver la Louve du Désert pour la tuer.

« Rejoins moi, le temps que ça soit fait. Je te laisserais partir ensuite tu as ma parole. Mais je ne vois que cette façon pour que ta meute te laisse t'en aller. Je ne te laisserais pas seule. »

Décidément, l'alpha n'y allait pas par quatre chemins pour recruter des membres dans sa meute. La voilà la vérité : il voulait la récupérer, la voler à Scott, l'avoir dans sa meute. Mais la coyote n'était pas prête à cela. Croyait-il réellement que sa fille quitterait la meute de Scott pour le rejoindre seulement pour qu'il l'aide ? Non. Ce n'était pas son plan. Elle avait déjà commencé sa traque dans le dos de sa meute, elle pouvait continuer à leur mentir. Cela fonctionnerait. Et si Peter l'aidait, ils ne lui diraient rien, car c'était tout de même son père. Scott oserait-il interdire à Malia de voir sa propre famille ? Si c'était le cas, elle le quitterait. Car elle détestait une chose par-dessus tout : qu'on lui impose quelque chose.

« Je ne peux pas faire ça. Je ne quitterai pas ma meute pour la tienne, même pour une durée limitée. »

Elle avait été franche. Claire, posée. Si l'alliance qui devait naître entre elle et Peter pourrait très certainement n'être que positive pour sa traque de sa mère, Malia n'était pas prête à ce que ce cela plus qu'une aide ponctuelle. Peter voulait lui montrer qu'il voulait être un père ? Il voulait se rattraper de ces années perdues sans connaître son existence ? Et bien la voilà la solution : traquer ensemble la mère de Malia pour la tuer.

« Si tu veux m'aider il faudra le faire selon mes conditions. Et Scott ne devra pas le savoir. Jamais. »

Les yeux rivés dans ceux de Peter, Malia cherchait dans son regard une forme de sincérité. Il était le mieux placé pour l'aider, lui qui avait eu la relation la plus intime avec cette femme, il devait un minimum la connaître. Malia percevait très bien comment ces deux êtres qui étaient pour les autres des parias avaient pu se retrouver l'un l'autre et s'attirer. Ce n'était pas si dur quand tous les autres vous rejetaient... Mais était-ce déjà le cas à ce moment-là ? Ou les parents de Malia étaient-ils devenus si froids et durs après la disparition de leur fille ? Comme si leur subconscient leur disait que quelque chose manquait ? Enfin, pour la Louve du Désert c'était plutôt la naissance de sa fille qui avait mené à son désir de la tuer... Mais pour Peter ? Croisant les bras, la coyote regardait son père. Etait-il capable de se laisser aller aux conditions de sa fille ? Prêt à laisser tomber sa guerre contre Scott pour l'aider elle ?

De la tragique nuit où le manoir Hale avait pris feu, seul Peter était sorti survivant. Peter et les enfants de Talia, absents du drame. Personne ne comprenait réellement la violence de ce qui avait eu lieu, et Peter en parla à nouveau. Il n'avait pas tort, la plus grande menace était bien Kate Argent et sa troupe de chasseurs. Ces humains qui, sous couvert de protéger leur espèce, commettait des exactions ignobles envers les siens dégoûtait Malia, et elle avait une grande aversion pour ces chasseurs.

« Si je convoitais réellement ce pouvoir pour moi seul comme tu le dis et penses. Pourquoi ramener Laura à la vie ? Pourquoi prendre le risque de la ramener pour qu'elle se retourne contre moi ? Que crois tu que j'y gagnes ? Je lui ai laissé le choix tu sais. Même si tu ne me crois pas. Elle était libre de partir, de ne pas rejoindre la meute. Pourtant Laura à choisis de se battre à mes côtés. Pour cette même cause. »

Les pupilles plongées dans celles de son père, Malia y décela ce qu'elle pensait être une pointe de chagrin. Est-ce que Peter avait souffert de son acte ? Certainement s'il avait un coeur comme il le prétendait. Mais alors pourquoi n'avait-il pas attendu de rencontrer un autre alpha ? Pourquoi tuer la seule famille, si réduite, qu'il lui restait encore ? Certes il avait ramené Laura à la vie, mais lorsqu'il avait détruit la louve pour lui voler son essence d'alpha, avait-il en tête qu'elle pourrait revenir à la vie ? On ne prend pas une vie sans conséquences, et les personnes qui s'étaient retournées contre Peter depuis son acte le prouvait bien. Le fait que Laura ai rejoint les rangs de son meurtrier étonnait Malia, qui haussa un sourcil. Elle n'avait jamais rencontré sa cousine, elle ne savait même pas à quoi elle ressemblait, mais elle se sentit déjà bien différente d'elle. Comment pardonner à quelqu'un qui vous a pris jusqu'à la vie ?

« Tu te trompes. Je ne te propose pas de rejoindre ma meute, je te propose ma protection. Tu pourrais apprendre à mieux me connaître. Scott n'y verrait pas d'inconvénient. »

Malia ouvrit la bouche pour rétorquer quelque chose, puis la referma. Elle ne trouvait rien de cinglant à répondre. Qu'elle n'avait pas besoin de sa protection ? Si la louve était aussi mauvaise qu'on le lui avait annoncé, et si elle était aussi féroce, alors toute protection serait bonne à prendre. Malia était bornée mais elle était mue par un premier instinct animal qui l'avait toujours sauvée : se protéger soi-même avant toute autre personne.

« Très bien, j'accepte ta protection. Mais pas de garde du corps ou je ne sais pas quoi hein ? Je continue ma vie et c'est tout. »

Quelle forme pouvait donc prendre cette protection que son père lui proposait ? Cela signifiait-il qu'elle devrait vivre pas loin de chez lui ? Voire chez lui ? Malia était bien trop indépendante pour se plier à ce genre de règles. Et elle ne supporterait pas d'être suivie constamment, de près ou de loin, par un des sbires de l'alpha. Allait-il décréter aux yeux de tous que Malia était sa fille et que quiconque s'en prendrait à elle s'en prendrait à lui ? Car ce faisant, il mettrait plutôt une cible sur le dos de la demoiselle qu'autre chose. Mais bon, il avait bien réussi à se hisser on ne sait trop comment à la position de chef de cette ville, alors elle décida que sur ce point elle pouvait lui faire, presque, confiance.

Sa mère biologique était une femme abjecte. C'est tout ce que Malia savait d'elle, et contrairement aux enfants ayant grandis sans parents et qui recherchent des explications, une forme d'amour quelconque, pour répondre à leurs nuits d'angoisse et de solitude, Malia la recherchait pour la tuer. Rien de plus rien de moins. Sa vraie mère ce n'était pas elle, La Louve du Désert n'était qu'une ombre au tableau, et il fallait l'éradiquer : pour sa sécurité et pour que cette partie de sa vie soit close à jamais. S'il fallait accepter l'aide de Peter pour cela, elle le ferait. Elle avait déjà rencontré une mercenaire à engager pour la traquer, alors avoir dans son camp le nouveau roi de la ville ne pouvait lui apporter que plus de réseaux et d'informations. Réfléchissait-elle un peu plus loin que le bout de son nez pour une fois ? Il semblerait que oui.

« Est ce que j'ai l'air d'être dans les papiers de Scott McCall ? Compte il toujours faire face à toutes les menaces en les ennuyant de bonnes paroles jusqu'à ce que mort s'ensuive ? Tes conditions seront les miennes. Je les accepte avant même de les connaître. »

Malgré elle, Malia esquissa un petit sourire. C'est vrai que la question était bête de sa part. Peter n'était pas du genre à aller raconter à Scott que sa fille venait la voir dans le dos de son alpha. Au mieux il jubilerait dans son coin d'avoir un quelconque pouvoir sur la meute de son ennemi sans qu'il ne s'en rende compte. La coyote était contente, elle obtenait ce qu'elle voulait, sans contrepartie, ou en tous cas elle en avait l'impression. Peut-être que Peter la menait en bateau, mais pour la première fois de sa vie, elle n'en avait pas l'impression. Elle resta tout de même sur ses gardes : accepter ses conditions sans même les connaître était un acte de folie. Pouvait-elle tout exiger qu'il accepterait ? Ou était- ce seulement un piège pour l'attirer...

« J'ai besoin de toutes les ressources auxquelles tu peux avoir accès pour retrouver La Louve du Désert. Quand je l'aurai trouvé, je la tuerai. En échange, j'accepte de dîner avec toi : une fois par semaine. »

Elle n'avait pas trouvé mieux à proposer que sa présence le temps d'un repas. Cela faisait un laps de temps suffisamment court pour partir rapidement et ne pas s'éterniser, et elle montrait qu'elle mettait du sien pour pardonner à Peter, ou au moins pour faire semblant de le faire. Pour l'instant, elle n'éprouvait pour lui que de la colère, mais sans l'avouer elle était intéressée par ce que Peter pourrait avoir à lui raconter, et une part d'elle voulait savoir si elle n'avait vraiment rien à voir avec les Hale, ou si elle pourrait retrouver chez lui quelques caractéristiques qu'elle se savait avoir. En fait, Malia avait envie de connaître Peter, plus que ce que sa meute ne lui autoriserait. Et comme la coyote solitaire qu'elle était elle passait au-dessus des lois, une fois de plus.